Soulagement pour le jet-set de la Formule 1: le contentieux de la Régie des alcools vient d'échouer dans une tentative d'interdire la vente d'alcool au chic Paddock Club du Grand Prix de Montréal, ce qui aurait même empêché la traditionnelle douche au champagne sur le podium.

«C'est une bonne nouvelle, mais je suis quand même indigné par leur comportement. Le contentieux s'est acharné sur nous comme si on était des criminels. S'ils veulent détruire l'événement par l'application stricte de lois édictées après la prohibition par un État catholique, qu'est-ce que j'y peux?», lance Timothé Huot, sous-traitant québécois de la firme autrichienne qui organise les Paddock Clubs partout sur la planète.

M. Huot, associé du cabinet d'avocats BCF, s'occupe de l'achat d'alcool pour le Paddock Club montréalais depuis 14 ans. Ses problèmes ont commencé l'an dernier. Trois jours avant le Grand Prix, la police a saisi 2000 canettes de bière Molson Dry non autorisées dans une tente du site. Les canettes ne portaient pas la mention réglementaire confirmant que la taxe aux commerçants avait été acquittée. Une simple erreur de livraison, selon M. Huot, mais une erreur qui a failli avoir d'immenses conséquences.

Poussant leur inspection un peu plus loin, les policiers ont découvert dans une roulotte 22 litres de boissons alcooliques interdites de vente, car elles ne sont pas commercialisées par la SAQ. Les boissons, dont du Grappa Tradizione Nonino et du champagne G.H. Mumm, avaient été apportées par des participants aux étapes européennes du circuit de Formule 1, croit M. Huot.

Toutes ces entorses ont été corrigées avant le début de l'événement.

Mais lorsque le Paddock Club a tenté d'obtenir ses permis d'alcool pour cette année, le contentieux de la Régie s'y est opposé, sous prétexte que l'entreprise n'avait «pas démontré sa capacité d'exploiter des permis d'alcool compte tenu de l'infraction commise».

L'avocat du Club, Me Alain Leclerc, a mené une bataille acharnée devant le tribunal pour démontrer le caractère particulier de la cause. À chaque Grand Prix, partout dans le monde, le Paddock Club accueille les invités VIP «de classe mondiale», les gens issus des écuries et des commanditaires internationaux de la

Formule 1. Des gens qui paient des centaines de milliers de dollars par année et qui profitent d'un bar ouvert avec champagne à chaque course. C'est d'ailleurs le traiteur du Paddock Club qui achète le champagne dont on asperge les vainqueurs sur le podium à Montréal.

Joint par La Presse peu avant de savoir qu'il avait remporté sa bataille, M. Huot s'inquiétait pour son entreprise, mais aussi pour la réputation du Québec dans le monde.

«Qu'est-ce qui va arriver si je ne peux pas arroser les gagnants? Que va faire M. Ecclestone?

Les clients internationaux qui occupent le club, que vont-ils penser si Montréal est le seul endroit où on refuse de leur servir de l'alcool?», s'interrogeait-il. Les régisseurs ont finalement compris ses arguments. Dans leur décision obtenue par La Presse hier, ils admettent qu'une infraction a été commise, mais refusent de punir l'entreprise comme le demandait le contentieux de l'organisme.

«Le tribunal de la Régie ne cherche pas à pénaliser les organisateurs et les participants à l'événement, ni la réputation de Montréal», précisent-ils, en donnant le feu vert à l'attribution du permis d'alcool pour cette année encore.