Fausses pièces justificatives, bris de matériel, négligence: l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal a produit un rapport dévastateur accusant la société de nettoyage AV-NET d'avoir eu des pratiques douteuses dans l'enlèvement des graffitis l'an dernier.

La Presse a révélé jeudi qu'en 2009, un clan lié à la pègre irlandaise a mis la main sur l'entreprise de nettoyage, en remboursement d'un prêt usuraire. Les nouveaux propriétaires ont récolté pour 1,7 million de contrats publics à Montréal depuis, dont une entente de 120 000$ avec le Plateau-Mont-Royal.

AV-NET avait très bonne réputation avant le changement de propriétaire. «Mais en 2010 et 2011, on a commencé à avoir beaucoup de problèmes avec [l'entreprise]», relate le conseiller municipal de Projet Montréal Alex Norris, responsable du dossier.

De graves irrégularités

Les fonctionnaires de l'arrondissement ont mené une enquête qui a permis de mettre au jour de graves irrégularités dans l'effacement des graffitis par AV-NET. Les constats contenus dans le document sont accablants, explique M. Norris.

Pour se faire payer des travaux bâclés, les gens d'AV-NET auraient fourni comme pièces justificatives des photos de murs propres sur lesquels ils n'avaient même pas travaillé.

Alors que c'est l'arrondissement qui devait fixer l'ordre des immeubles à nettoyer, l'entreprise aurait choisi de laisser en plan les petits travaux chez certains citoyens pour passer directement aux gros graffitis, plus payants.

Elle prenait aussi l'initiative d'aller nettoyer des immeubles privés, où les travaux n'avaient pas été autorisés, puis tentaient de se faire payer par l'arrondissement.

Deux bâtiments auraient aussi été endommagés par les nettoyeurs. Des murs étaient mal rincés, des graffitis effacés à moitié seulement, raconte Alex Norris.

Une cadre de l'arrondissement a débusqué et photographié un sous-traitant qui réalisait les travaux à la place d'AV-NET, ce qui était strictement interdit par le contrat.

Les communications étaient par ailleurs difficiles avec la société, qui passait parfois une semaine sans donner de nouvelles aux autorités. Elle était pourtant censée faire un rapport chaque matin. Les cibles fixées n'ont pas été atteintes, les rapports remis en retard, et l'entreprise aurait refusé de fournir une troisième équipe de nettoyeurs même si elle s'était engagée à le faire, a constaté l'arrondissement. Les fonctionnaires se disaient ignorés lorsqu'ils demandaient à AV-NET de reprendre des travaux insatisfaisants. En date du 20 novembre 2011, 37 interventions bâclées étaient toujours en attente de reprise, dont certaines remontaient à avril.

La situation était telle que l'arrondissement a pensé résilier le contrat en plein milieu de l'été. Mais le délai d'un mois nécessaire à la tenue d'un nouvel appel d'offres aurait laissé le Plateau trop vulnérable aux graffiteurs. S'estimant floué, l'arrondissement a refusé de payer la totalité des 120 000$ prévus au contrat.

Soumission non conforme

Pour l'été 2012, bien décidé à ne pas se faire prendre, le Plateau-Mont-Royal a modifié ses critères d'appel d'offres afin de ne plus être obligé de retenir le plus bas soumissionnaire. «Lorsqu'on est forcé de prendre le moins cher soumissionnaire et que le rendement est insatisfaisant à ce point, ça peut être une fausse économie. Nous tenons maintenant compte de la qualité du service en plus du prix», explique Alex Norris.

La soumission d'AV-NET pour l'été qui vient avait de toute façon été jugée non conforme. «Nous sommes très heureux de ne plus avoir affaire à cette entreprise!», lance M. Norris.

Une nouvelle entreprise de nettoyage a remporté l'appel d'offres et le conseil doit avaliser son choix lundi prochain.

La Presse a tenté sans succès de joindre la société AV-NET jeudi.

- Avec la collaboration de Francis Vailles