Une quarantaine d'artistes de la scène hip-hop montréalaise et leurs amis ont manifesté contre une récente décision de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec qu'ils jugent «discriminatoire» et «ségrégationniste», ce mardi midi, devant le palais de justice de Montréal.

Le mois dernier, la Régie a informé les gérants du bar Le Pionnier, situé à Pointe-Claire, qu'ils devaient interdire les spectacles de hip-hop et de rap s'ils voulaient obtenir un permis d'alcool.

«Cette décision relève de la ségrégation pure et dure. C'est inacceptable. On ne peut pas simplifier toute une culture en disant que le rap égale gangs de rue», a lancé au micro l'artiste K-RIM.

«La Régie bafoue notre magnifique communauté, celle du hip-hop, qui permet à des jeunes de sortir des ghettos et d'apprendre à s'exprimer en public», a ajouté une autre artiste, MF Gold.

Le cas du bar Le Pionnier ne serait pas unique. Le directeur du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Fo Niemi, a recensé cinq décisions similaires depuis 2008.

«Ce sont des cas où la liberté d'expression est bafouée. Cela fait penser aux fondamentalistes chrétiens qui associaient le rock'n'roll à la musique du diable», estime-t-il. M. Niemi craint que la jeunesse noire montréalaise se sente ainsi marginalisée.

La Régie, la police de Montréal (dont les enquêteurs sont souvent appelés à témoigner devant la Régie), les propriétaires de bar et les artistes devraient s'asseoir ensemble pour trouver des solutions «plus légitimes» aux problèmes de violence dans les bars de la métropole, croit M. Niemi.

«Certaines salles de spectacle nous ferment leurs portes parce qu'elles ne veulent pas voir la police débarquer et prendre des photos de tous ceux qui assistent aux spectacles. C'est du profilage. Il faut que cela cesse et qu'on laisse les artistes hip-hop pratiquer leur art», a lancé l'organisatrice d'événements hip-hop Marilou Yoshimura-Gagnon, aussi présente à la manifestation.

Il ne faut pas blâmer les propriétaires de bar qui se conforment aux exigences de la Régie, précise M. Niemi. «Ils n'ont pas le choix s'ils veulent que leur commerce survive», dit-il.

Diane Marois, copropriétaire du Pionnier depuis l'automne dernier, s'est d'ailleurs défendue d'être raciste : « Ma première réaction, ç'a été de penser que c'est très discriminatoire, a-t-elle dit à La Presse canadienne le mois dernier. Je ne crois pas que ce soit bien, mais... je préfère que le bar reste ouvert avec un programme limité plutôt que de fermer.»

À l'époque, une porte-parole de la Régie, Joyce Tremblay, avait affirmé qu'il était «normal» que les permis contiennent des restrictions pour interdire certains types de prestations. Dans le cas du bar Le Pionnier, la police de Montréal s'était inquiétée d'un spectacle hip-hop en particulier qui aurait pu attirer des gangs de rue, et la propriétaire avait ensuite volontairement renoncé à tenir ce genre d'événements.