Guy Turcotte n'est plus l'homme qu'il était quand il a poignardé à mort ses deux enfants en février 2009. En trois ans, il a cheminé. La maladie mentale n'est plus là, il ne prend plus de médicaments, et il a appris le «monde des émotions.» Il est prêt à sortir de l'institution psychiatrique. Il est même le «candidat idéal» pour un retour en société.

«On ne peut demander mieux», a fait valoir le psychiatre Louis Morissette, alors qu'il témoignait devant la Commission d'examen des troubles mentaux, ce matin, à l'institut Philippe-Pinel. Les services du Dr Morissette ont été retenus par les avocats de M. Turcotte, les frères Pierre et Guy Poupart. Au terme de son procès, en juillet dernier, M. Turcotte a été déclaré non criminellement responsable de la mort de ses enfants, Olivier, cinq ans, et Anne-Sophie, trois ans. Il a été envoyé à l'Institut Philippe-Pinel dans les jours suivants, et on doit maintenant décider s'il doit y rester où s'il peut sortir en communauté. Cette décision est prise en fonction de la dangerosité qu'il peut représenter.

Le psychiatre Morissette a rencontré M. Turcotte à différentes reprises, depuis août dernier, pour un total de onze heures. Il est d'avis que M. Turcotte est fin prêt à sortir, et qu'il ne sera pas plus prêt en 2013, ou en 2014. «C'est un homme posé, lucide, très conscient des dangers du futur et des obstacles. Mais il a le soutien de sa famille pour sa reconstruction», a fait valoir le Dr Morissette. Celui qui était cardiologue au moment du drame envisage sa sortie avec réalisme. Il comprend la chaîne des événements qui l'a amené à commettre son geste. Au procès, le Dr Turcotte a dit qu'il avait tué ses enfants pour les emmener avec lui. Ce qui serait une forme de crime par altruisme. Le Dr Morissette adhère à cette théorie. «Je n'ai aucune raison clinique de penser qu'il a agi autrement que par altruisme.»

Les meurtres sont survenus dans un contexte de séparation. Le psychiatre est conscient que bien des gens pensent que M. Turcotte a agi par vengeance. Lui ne le pense pas, mais admet que c'est une possibilité. «On ne peut l'exclure», a nuancé le psychiatre.

Le nombre de coups de couteau infligés aux petits, une quarantaine en tout, n'est pas un facteur qui étonne le psychiatre. «Malheureusement, c'est habituel dans les homicides de personnes connues. Il y a une décharge émotionnelle. C'est très très fréquent qu'il y ait de «l'over killing», de l'acharnement.»

Guy Turcotte a été rencontré par ses psychiatres en février dernier, après le passage d'Isabelle Gaston à Tout le monde en parle. On voulait savoir comment il se sentait face à cela. Il a fait mention qu'il y avait eu de fausses affirmations. Un intervenant lui a demandé quand la vérité allait sortir. M. Turcotte a répondu que la vérité était sortie au procès.

«Ils veulent lui faire dire qu'il l'a fait par colère», a signalé le psychiatre. Il a l'impression qu'on veut garder Turcotte en institution pour l'amener à dire qu'il a agi par colère.

Isabelle Gaston, elle, continue de croire que son ex-conjoint est dangereux. Elle l'a comparé à un caméléon. «Personne ne me fera croire qu'il n'est plus dangereux.» Elle est fatiguée,  exténuée.

L'exercice présidé par Me Médard Saucier se poursuit en après-midi, avec le contre-interrogatoire du psychiatre. Isabelle Gaston, ex-conjointe et mère des petits est présente avec sa mère, son frère et d'autres proches. Dans une autre rangée, on retrouve la famille de Guy Turcotte. Ce dernier avait l'air détendu quand il est entré dans la salle. Il semblait plus mal à l'aise pendant le récit du Dr Morissette. Il n'a pas jeté un regard dans l'assistance.