Mis au courant que Richard Bouillon se mourait à l'hôpital, Michel Suprenant a voulu se rendre à son chevet pour tenter d'obtenir des aveux au sujet de l'enlèvement de sa fille. La Sûreté du Québec lui a servi un non catégorique. Cinq ans plus tard, M. Surprenant apprenait que le suspect numéro un avait effectivement fait des aveux à des infirmières avant de trépasser. Ces aveux étaient restés secrets.

C'est ce que Michel Suprenant a expliqué, ce matin, alors qu'il témoignait à l'enquête du coroner sur la mort de sa fille et les aveux de Richard Bouillon. M. Suprenant n'a pas caché son exaspération devant les barrières qui se sont élevées pendant ces années où il cherchait la vérité au sujet du meurtre de sa fille. «Il me semble que si j'avais été à la SQ, j'aurais donné un petit coup de coeur pour aller à l'hôpital. J'aurais laissé tomber les procédures», a laissé tomber M. Surpenant, ce matin.

Julie Surprenant, est disparue le 16 novembre 1999, à l'âge de 16 ans, alors qu'elle s'apprêtait à entrer au domicile de son père, à Terrebonne. M. Surprenant avait choisi d'emménager dans un appartement de Terrebonne parce que l'endroit était tranquille, sur une rue peu passante. Il s'était informé des voisins qui habitaient l'immeuble, avant de louer. Il s'agissait pour la plupart de couples avec enfants. Il y avait aussi un homme seul, vendeur de voitures. Cet homme, c'était Richard Bouillon, qui cumulait une longue feuille de route en matière de délits sexuels à l'égard d'enfants et d'adolescentes. M. Suprenant ne le savait pas, évidemment.

«Si je l'avais su, j'aurais cassé mon bail tout de suite», a-t-il dit.

M. Surprenant a commencé à habiter dans cet immeuble en 1997. Il vivait seul. Deux ans plus tard, au printemps 1999, ses deux filles, dont Julie, 16 ans, sont venues habiter avec lui.

«Julie, c'était une fille très très enjouée, qui parlait avec les autres, qui s'impliquait et qui était de bonne humeur», a-t-il raconté, ce matin.

M. Surprenant n'avait pas de contact avec Bouillon dans l'immeuble, sauf «bonjour bonjour» lorsqu'ils se croisaient. À sa souvenance, sa fille Julie ne lui a jamais parlé de Bouillon non plus.

Après la disparition de la jeune fille, Bouillon est vite devenu le suspect numéro un aux yeux des enquêteurs de la SQ. «Je n'ai pas cherché à le contacter, mais je l'ai observé. Un jour, il est venu cogner  à ma porte et il m'a dit: «J'ai fait ben des affaires dans ma vie, mais j'ai pas tué ta fille», a raconté M. Surprenant.

Un an après, en 2000, M. Surprenant a déménagé. Les années ont passé, sans qu'il obtienne de réponse sur la disparition de sa fille. En 2003, Bouillon a été condamné à dix ans de prison pour de vieux délits sexuels. En juin 2006, M. Suprenant a appris que Bouillon un se mourait à l'hôpital. On l'a empêché d'y aller. Au début de 2011, il a appris que Bouillon avait fait des aveux à des infirmières. Là, il s'est buté à d'autres barrières, celui des ordres professionnels.

«C'était objections par-dessus objections. Ils ont invoqué une règle pour refuser de répondre. Après, ils en ont invoqué une autre.» Selon M. Suprenant, on lui a dit que c'était l'infirmière-chef du département à la Cité de la santé, qui s'opposait à ce que les infirmières révèlent les aveux de Bouillon.

Cela a fait bondir Me Michel Bélisle, qui représente l'Ordre des infirmières. Ce dernier a signalé que les infirmières devaient s'assurer de respecter la loi. Il y a une loi pour garantir la confidentialité du dossier des patients. Apparemment, toute information venant d'un patient est couverte par la confidentialité. Ce secret est levé quand il y a enquête publique, comme c'est le cas présentement.