Cinq ou six minutes à peine. C'est le temps que les policiers ont mis pour répondre à l'appel de détresse de Bryan Bougie, le matin du 26 janvier 2011. Mais c'était trop long. Quand les policiers ont réussi à entrer dans son appartement de Pointe-Claire, M. Bougie avait été poignardé 91 fois par le jeune homme qu'il hébergeait depuis moins de 24 heures.

Ce jeune homme de 23 ans, Sean Brennan, a été acquitté du meurtre de M. Bougie, hier à Montréal, pour cause de troubles mentaux. Souffrant de schizophrénie paranoïde, il était en pleine psychose quand il a tué son bon Samaritain, ont conclu deux psychiatres qui l'ont évalué. M. Brennan se croyait entouré d'acteurs qui jouaient dans le film de sa propre vie, «comme le Truman Show». Il était persuadé que les animateurs de certaines émissions, de même que le rappeur Eminem, s'adressaient à lui directement, et qu'il était le clou du spectacle. Le matin du drame, la télévision lui a ordonné de tuer David Bowie, personnifié selon lui par M. Bougie, s'il voulait aller à Hollywood.

M. Brennan était suivi en psychiatrie depuis l'âge de 9 ans. Il s'est mis à consommer de l'alcool et des stupéfiants pendant son adolescence, ce qui n'a pas amélioré les choses. Au moment du drame, il ne prenait aucun médicament, n'allait plus à ses rendez-vous à l'hôpital Douglas et consommait drogue ou alcool chaque jour.

Dans les escaliers

M. Bougie, 41 ans, ignorait tout de la vie de M. Brennan lorsqu'il l'a découvert couché dans la cage d'escalier de son immeuble, le 25 janvier 2011. Voulant rendre service, M. Bougie a offert à M. Brennan de plutôt dormir chez lui. La journée est passée. Le soir, M. Bougie a confié à son employeur qu'il dépannait un jeune homme, mais qu'il commençait à le craindre. Plusieurs fois pendant la nuit, M. Bougie a appelé son employeur pour dire qu'il craignait de plus en plus son invité et qu'il n'osait pas dormir. Il pensait avoir affaire à un «junkie», qui devenait de plus en plus agressif. L'employeur, Édouard King, a suggéré à M. Bougie de mettre le jeune homme à la porte dès qu'il partirait travailler, le matin.

Vers 5h45, le matin du 26 janvier, M. Bougie a appelé le 911 pour demander du secours. Sur les entrefaites, M. King a appelé son employé sur un autre téléphone. M. Bougie a indiqué qu'il était en ligne avec le 911, mais a demandé à M. King de venir très rapidement. M. King pouvait entendre Sean Brennan crier qu'il allait poignarder M. Bougie. M. King s'est précipité chez M. Bougie. À son arrivée, les policiers étaient déjà là, et M. Bougie était mort.

Le jeune Brennan, qui a été arrêté sur place pour meurtre, s'est identifié au nom de Robin Banks, nom qu'il s'était fait tatouer sur un bras.

Les avocats des deux parties, Éliane Perreault pour la Couronne et James Dawson pour la défense, s'entendaient pour dire qu'il s'agissait d'un cas de problèmes mentaux. Le juge Claude Champagne a officialisé le tout, hier.

La mère de la victime, soutenue par son mari, a tenu à témoigner devant la Cour, hier. Bryan était leur enfant unique et il les aidait énormément, a-t-elle dit. «Je n'avais que lui, je n'ai plus rien. Je veux juste que le monde sache que je n'ai plus rien», a sangloté la femme. À l'arrière de la salle se trouvaient les parents de l'accusé qui, eux aussi, ont un deuil à faire, même si leur fils est acquitté.

Sean Brennan avait déjà plusieurs antécédents criminels pour son âge. Il ira à l'Institut Philippe-Pinel. Ce sera ensuite à la Commission d'examen des troubles mentaux de suivre son dossier.