Le Rwandais Léon Mugesera, accusé d'incitation au génocide dans sa terre natale, a quitté samedi après-midi le Centre hospitalier de l'Université Laval, à Québec, à destination du Centre de prévention de l'immigration à Laval. Un de ses avocats, Philippe Larochelle, a confirmé la nouvelle à La Presse Canadienne.

M. Mugesera sera détenu jusqu'à lundi, alors qu'il se présentera devant un tribunal pour sa comparution sur remise en liberté.

Le Rwandais, qui se trouve au Canada depuis 19 ans, avait été admis à l'hôpital après s'être plaint d'un malaise, mercredi.

Un individu s'étant identifié comme le fils de M. Mugesera au domicile familial a indiqué que les autorités avaient passé les menottes aux poignets de l'homme et qu'ils l'avaient attaché à une civière. Des policiers et des agents d'Immigration Canada étaient sur place, a-t-il précisé.

Selon lui, il s'agit d'un nouveau développement négatif pour M. Mugesera, dans sa bataille pour ne pas retourner au Rwanda. Mais tant que l'avion qui doit le ramener à Kigali n'aura pas décollé, sa famille garde espoir.

«Il est encore ici. Nous sommes contents, il est encore en vie, il est en sécurité», a fait valoir son fils.

Celui-ci rapporte toutefois que son père n'est pas dans le même état d'esprit.

«Il est désespéré, il est désespéré, a-t-il affirmé. Je peux vous dire qu'il aimerait mieux mourir qu'aller dans les bras de Kagame, ça c'est sûr.»

Au moment de son départ, les médecins de Léon Mugesera lui avaient donné son congé de l'hôpital, selon son fils.

Il ferait toutefois le voyage entre Québec et Laval en ambulance.

«Il a quitté vers 14 h 15, 14 h 20», a affirmé son fils, ajoutant que la famille n'en pouvait plus de se battre contre Immigration Canada. «Nous sommes fatigués», a-t-il ajouté.

Jeudi, la Cour supérieure du Québec a ordonné au gouvernement fédéral de permettre à M. Mugesera de rester provisoirement au Canada. Dans son ordonnance dite de «sauvegarde» la Cour l'autorise, «compte tenu de l'urgence de la situation», à rester au pays jusqu'au 20 janvier.

Les avocats représentant M. Mugesera estimaient qu'en vertu de ses obligations internationales, le Canada devait lui permettre de rester au pays pendant que le Comité contre la torture du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme se penche sur son dossier.

La décision de la Cour supérieure du Québec survenait à la 11e heure pour Léon Mugesera, qui devait être déporté vers son pays d'origine le même jour.

Le gouvernement fédéral avait reconnu être «surpris» et «extrêmement déçu» par la décision. Il a affirmé qu'il examinera ses options juridiques. Ottawa n'est pas tenu de respecter l'ordonnance de la Cour, a affirmé l'un des avocats de M. Mugesera.

S'il est renvoyé au Rwanda, M. Mugesera devrait être accusé en lien avec la mort de plus de 800 000 personnes lors du génocide de 1994.

Vendredi, le procureur en chef du Rwanda affirmait que la décision du tribunal de retarder sa déportation constituait une «insulte cuisante» pour les survivants du génocide.

Martin Ngoga, a fait valoir par voie de communiqué que le gouvernement canadien devrait aller de l'avant avec la déportation en dépit de cette décision du tribunal.

Le procureur a aussi plaidé que l'argument relatif à la torture était «cynique et sans fondement», puisque les Nations unies ont déjà reconnu que la performance du Rwanda en matière de respect des droits de la personne s'est grandement améliorée.

Mugesera, un ancien professeur d'université et politicien rwandais, doit répondre d'accusations criminelles découlant d'un discours qu'il a prononcé en 1992 et qui aurait contribué à l'éclatement du génocide.