Léon Mugesera a joué lundi son dernier recours pour échapper à son renvoi vers le Rwanda, prévu jeudi. Penseur présumé du génocide, Léon Mugesera soutient qu'il risque la torture et la mort s'il retourne dans son pays natal, qu'il a quitté il y a près de 20 ans.

Lorsqu'il est entré dans la salle d'audience bondée de la cour fédérale de Montréal, Léon Mugesera, vêtu d'un veston croisé vert pâle, a étreint de nombreux proches venus le soutenir. Il s'est ensuite assis près de ses avocats et a écouté, impassible, les plaidoiries des procureurs.

Son bras de fer avec le gouvernement canadien dure depuis plus de 15 ans. Interdit de territoire depuis 1996, Léon Mugesera a épuisé tous ses recours au fil des ans. Il s'est rendu jusqu'en Cour suprême, qui a jugé en 2005 que rien ne s'opposait à son expulsion. Il a alors demandé un examen des risques avant renvoi, qui s'est soldé, sept ans plus tard, par une mesure de renvoi, annoncée le mois dernier.

«On est au bout du parcours de l'immigration», croit l'avocate du gouvernement fédéral, Lisa Maziade.

Le gouvernement rwandais, qui a longtemps pressé Ottawa de renvoyer M. Mugesera, s'est engagé à lui faire un procès équitable. Il devrait ainsi être jugé par une cour formée de professionnels, la Haute Cour, et non par une gacaca - l'instance populaire qui traite, au Rwanda, des dossiers liés au génocide.

«On a demandé de s'assurer que les droits de M. Mugesera soient respectés s'il est renvoyé au Rwanda», résume Me Maziade.

Depuis l'abolition de la peine de mort, en 2007, la situation des droits de l'homme s'améliore au Rwanda, estime Immigration Canada. «Oui, il y a des problèmes, mais non, M. Mugesera ne sera soumis à aucun risque», dit Me Maziade.

Ce n'est toutefois pas l'avis de M. Mugesera.

«Les garanties diplomatiques [apportées par le Rwanda, ndlr] ne sont pas fiables, ça crève les yeux!», s'insurge Johanne Doyon, avocate de M. Mugesera, qui s'appuie notamment sur des rapports d'ONG et le témoignage d'un ancien ministre du président Paul Kagamé, réfugié en Belgique.

Convention sur les réfugiés

De plus, le renvoi de M. Mugesera au Rwanda violerait la convention sur les réfugiés, selon Me Doyon. Son client, souligne-t-elle, n'a jamais été jugé pour sa participation présumée au génocide rwandais. Seuls pèsent sur lui des «motifs raisonnables» de croire qu'il a commis un crime contre l'humanité.

L'audience, fixée il y a quelques jours à peine, s'est étirée du début de l'après-midi à la soirée, hier.

Le juge Michel Shore a nourri de nombreuses questions les plaidoyers des deux parties. «Près d'un million et demi de personnes ont été tuées au Rwanda, et nous devons nous assurer que la même chose n'arrive pas ici! On ne néglige pas la vie humaine, qui est précieuse», a-t-il lancé lors d'une suspension de l'audience, après avoir encouragé les procureurs à aller se chercher des sandwichs en prévision de la suite de la soirée.

«Ce n'est pas des sandwichs qu'on veut, c'est la justice», a alors grogné l'un des proches de M. Mugesera.

Pour Léon Mugesera, la course contre la montre entamée en décembre se poursuit. Le juge Shore doit décider, d'ici à jeudi, s'il lui accorde un sursis pendant l'étude de sa demande d'autorisation de contrôle judiciaire. Sinon, le dossier de M. Mugesera, qui compte plus de 15 000 pages de documents, aura son point final.