Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) savoure une petite victoire dans ses démarches pour faire invalider une décision du juge James Brunton qui, le printemps dernier, a considérablement réduit le nombre d'accusations pesant sur 124 présumés membres des Hells Angels, arrêtés lors de l'opération SharQc.

Le 31 mai, le juge de la Cour supérieure chargé de piloter l'imposant dossier, qui regroupait alors 124 accusés, a semé la consternation dans les rangs du ministère public et de la police.

Il a, comme le lui avaient demandé les avocats de la défense, tranché que la charge de travail sans précédent imposée par ce dossier faisait en sorte qu'il était impossible pour le système judiciaire de traiter tous les accusés dans le délai raisonnable que leur garantit la Charte canadienne des droits et libertés. Onze mégaprocès devaient se tenir selon le scénario du DPCP, et le juge estimait que le dernier n'aurait pas lieu avant 2023. Il en a donc maintenu 5, seulement ceux liés à 22 meurtres commis pendant la guerre des motards. Toutes les accusations liées au gangstérisme et au trafic de drogue sont tombées. Cela avait pour effet de blanchir 31 accusés.

Le DPCP a estimé que cette décision empiétait sur «son pouvoir discrétionnaire [...] dans la gestion des causes criminelles et la mise en accusation».

Il s'est donc adressé à la Cour d'appel du Québec pour faire casser ce jugement.

Les avocats des accusés ont demandé au plus haut tribunal de la province de rejeter l'appel avant même de l'entendre, notamment parce que si la cause était entendue sur le fond, au moment du jugement, des procès seraient déjà entamés et il serait impossible de faire marche arrière.

Mais la Cour d'appel ne voit pas la chose du même oeil. Elle considère que le «caractère sérieux de la réparation accordée» par le juge Brunton fait en sorte que «le dossier mérite d'être étudié de façon approfondie».

Le porte-parole du DPCP, Me Jean-Pascal Boucher, s'est dit satisfait de cette décision. «La Cour devra analyser le bien-fondé de nos arguments sur ces points de droit très importants», a-t-il souligné.

Avec la collaboration de Vincent Larouche