Le procès de trois Montréalais d'origine afghane accusés d'avoir tué avec préméditation quatre femmes de leur famille, en juin 2009, s'est mis en branle, mardi à Kingston, avec la sélection du jury. À la fin de la journée, huit jurés, quatre hommes et quatre femmes, avaient été choisis parmi les 150 qui ont défilé. À ce rythme, la sélection pourrait être achevée aujourd'hui, alors que les autorités pensaient en avoir pour plusieurs jours.

Avant que la ronde des candidats commence, mardi matin, un officier de la Cour supérieure du palais de justice de Kingston a lu les accusations, afin que les accusés enregistrent leur réponse. Installés côte à côte dans un box vitré au milieu de la salle d'audience, dans une salle bondée de candidats jurés et d'une quinzaine de journalistes, Mohammad Shafia, sa femme Tooba Mohammad Yahya, et leur fils Hamed Mohammad Shafia ont plaidé non coupable à tour de rôle, pour chacune des accusations. «Non, c'est faux», répétait le père, Mohammad, alors que sa femme et son fils ont tout simplement dit: «Non coupable.»

Le procureur général de l'Ontario les accuse des meurtres prémédités de Rona Amir Mohammad, 52 ans, première femme de M. Shafia, et de Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, et Geeti, 13 ans, filles du couple et soeurs d'Hamed. Les cadavres des quatre femmes ont été trouvés le matin du 30 juin 2009, dans une voiture engloutie dans l'écluse de Kingston Mills. La famille composée de trois adultes et de sept enfants, qui résidait à Montréal depuis deux ans, revenait d'un voyage à Niagara Falls, au moment du tragique événement. Les trois accusés ont été arrêtés à Montréal, trois semaines après le drame, et ont été traduits en justice à Kingston. Dans cette affaire, deux hypothèses s'affrontent: l'accident fatal ou les meurtres, peut-être liés à des «crimes d'honneur». Pour le moment, la preuve et tout ce qui s'y rattache sont frappés d'ordonnances de non-publication, comme l'a rappelé le juge Robert Maranger, mardi.

Sélection des jurés

La sélection des jurés s'est donc déroulée sans accroc, et sans émotion, mardi. Les candidats qui ont demandé à être exemptés ont invoqué des problèmes de santé, des ennuis financiers ou d'autres justifications. Normalement, les jurés n'obtiennent aucune compensation pour les 10 premiers jours d'un procès. Par la suite, ils reçoivent 40$ par jour, une somme qui grimpe à 100$ après 50 jours. Mardi, le juge a signalé que vu les circonstances exceptionnelles de ce procès, les jurés recevraient 40$ par jour dès leur sélection. À partir du 25e jour, ils obtiendront 100$ par jour.

Les avocats des quatre parties (la Couronne et les trois accusés) doivent tous être d'accord sur le choix des jurés. Les candidats recherchés sont bien sûr ceux qui sont capables de juger en toute impartialité, selon la preuve et en fonction des directives que le juge leur donnera. Les candidats sont questionnés. Les avocats veulent savoir s'ils ont entendu parler de la cause dans les médias, s'ils se sont fait une idée sur la culpabilité des accusés et s'ils sont capables de mettre leurs préjugés de côté, s'ils en ont. On leur demande aussi de dire si le fait que les accusés viennent de l'Afghanistan et sont «islamiques» peut nuire à leur capacité de juger en toute impartialité. La plupart des candidats ont dit que cela n'aurait aucun impact sur leur jugement.

Une fois que les jurés ont fini de répondre aux questions, on leur demande de se lever et de regarder les accusés. Ces derniers se lèvent aussi, regardent le candidat, et donnent leur avis à leurs avocats. À tour de rôle, les trois avocats de la défense et celui de la Couronne disent s'ils retiennent le candidat ou le refusent.

Le procès doit durer de six à huit semaines, mais pourrait s'étirer jusqu'en janvier, a prévenu le juge, mardi. Le procureur de la Couronne, Gerard Laarhuis, a annoncé qu'il aurait «potentiellement» 58 témoins à faire défiler. La sélection du jury se poursuit aujourd'hui. Comme le procès avec témoins ne commencera vraisemblablement pas avant le 20 octobre, les jurés choisis peuvent retourner à leurs occupations d'ici là. Le juge leur a toutefois ordonné de ne pas prendre connaissance des reportages dans les médias en lien avec cette cause. Ils ne doivent pas non plus faire de recherches sur l'internet.

À la fin de la journée, mardi, les trois accusés sont sortis à tour de rôle du palais de justice par une porte de côté, escortés par des policiers. Ils se sont engouffrés dans une camionnette de police, dotée d'un compartiment grillagé pour chacun d'entre eux. Dans la journée, alors qu'ils étaient dans le box, Hamed a glissé quelques mots à son père et à sa mère.