Mardi matin, une opération policière qui a mal tourné a mis fin à la vie de Patrick Limoges et Mario Hamel. À travers les larmes et la douleur, parents, amis et collègues se demandent comment le drame s'est produit. Et, surtout, s'il aurait pu être évité.

À l'Hôpital général de Montréal, mardi après-midi, Johanne Rocheleau et Serge Limoges étaient atterrés et révoltés. Atterrés par la mort soudaine de leur fils aîné, Patrick. Et révoltés par la façon dont il a été tué.

«Mon ex-mari était en crise, et moi aussi», a dit Johanne Rocheleau, que La Presse a jointe hier à son domicile, à Trois-Rivières.

Patrick Limoges, 36 ans, est la victime innocente de l'intervention policière survenue vers 6h40 mardi matin au centre-ville de Montréal. Il a reçu une balle dans la nuque alors qu'il marchait rue Saint-Denis, à quelques mètres de l'hôpital Saint-Luc, où il travaillait.

Le suspect visé par les policiers, Mario Hamel, 40 ans, est mort lui aussi, atteint de deux projectiles dans le haut du corps. Armé d'un couteau, il aurait refusé d'obtempérer aux ordres des quatre policiers venus l'interpeller. Selon plusieurs sources, trois projectiles ont été tirés.

«Vous ne me ferez pas accroire que quatre policiers ne sont pas capables de désarmer un gars avec une arme blanche, a dit Johanne Rocheleau. Ce n'est pas logique de tirer des balles comme ça.»

À l'hôpital, des policiers ont rencontré la famille de Patrick Limoges pour lui expliquer ce qui s'est passé. «Ils nous ont dit que c'était la première fois que ça arrivait», a dit Mme Rocheleau, inconsolable.

La mère, le père, la soeur et le frère de la victime lui ont dit adieu, mardi après-midi, avant que les médecins débranchent le respirateur. Il n'y avait plus rien à faire. Son cerveau était atteint.

«Patrick était un gars extraordinaire, a résumé sa mère en étouffant un sanglot. Il était généreux, travailleur et très perfectionniste.»

«C'était un petit gars bien gentil, bien tranquille», a dit sa grand-mère, Colette Limoges, qui préfère ne pas juger le travail des policiers. «Tout le monde devait être énervé, a-t-elle ajouté. Et les policiers sont des êtres humains comme tout le monde.»

Un hommage des collègues

Célibataire et sans enfant, Patrick Limoges a quitté Trois-Rivières il y a environ cinq ans pour s'établir à Montréal. Mécanicien en bâtiment de formation, il travaillait depuis trois ans et demi à l'hôpital Saint-Luc comme technicien en ventilation.

Hier midi, plusieurs confrères ont déposé des gerbes de fleurs sur le trottoir, à l'endroit où la vie de Patrick Limoges s'est brusquement arrêtée. Ils ont ensuite observé une minute de silence à la mémoire de leur collègue disparu, décrit comme un homme tranquille, vaillant et extrêmement compétent.

«On est ici aujourd'hui pour exprimer ce qu'on ressent. Pour beaucoup, c'est de la rage. Pour d'autres, de la peine. Où que tu sois, Patrick, j'espère que tu seras bien. La seule chose qu'on peut dire, c'est au revoir!», a lancé Gilles Girard, représentant syndical des employés de l'hôpital.

Gilles Girard ne cache pas que les événements suscitent beaucoup de colère et de frustration chez les employés, qui ont bénéficié du programme d'aide offert par l'employeur pour affronter le drame. «Est-ce que les policiers auraient pu faire autre chose que sortir leur pistolet et tirer sur un individu en détresse?», s'est interrogé M. Girard.

Un ami proche de Mario Hamel, l'autre homme abattu par les policiers, s'est montré moins nuancé. «Les policiers auraient pu utiliser un Taser ou du gaz poivre avant de tirer sur un gars en psychose», a pesté Jean-Luc, qui connaissait Mario Hamel depuis longtemps. «Il était super tranquille, fumait son petit joint et ne buvait même pas de bière», a ajouté Jean-Luc, révolté par le profilage que pratiqueraient les policiers envers les personnes marginales du secteur.

L'enquête se poursuit

La Sûreté du Québec, à qui l'enquête a été confiée, a interrogé plusieurs témoins hier pour tenter de reconstituer les événements.

L'autopsie et l'analyse balistique devraient permettre de déterminer si la balle qui a atteint mortellement Patrick Limoges a traversé Mario Hamel, si elle a passé à côté de lui ou encore si elle a fait un ricochet.

Selon nos sources, la thèse de la balle perdue demeure la plus plausible pour l'instant, bien que celle du ricochet ne soit pas écartée non plus. L'une des trois balles n'aurait toujours pas été retrouvée.

Des sources soutiennent que trois des quatre policiers avaient plusieurs années d'expérience. Selon certaines informations, Mario Hamel aurait foncé sur un policier qui s'était avancé vers lui.

Photo fournie par la famille

Patrick Limoges