Alors que la Ville de Montréal et son service de police se battent bec et ongles à l'enquête du coroner sur la mort de Fredy Villanueva pour empêcher le dépôt de rapports internes sur le profilage racial et le «racisme» de ses agents, de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer leur publication.

«Le nouveau chef de police, Marc Parent, a fait plus en deux semaines pour lutter contre le profilage racial que son prédécesseur en quatre ans. Il a permis au coroner de consulter les deux rapports internes en plus de revoir le mandat de l'escouade Éclipse», affirme d'entrée de jeu le vice-président de la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal, Réal Ménard.

Or, son prochain défi est d'ordonner à l'avocat de la Ville et du SPVM, Me Pierre-Yves Boisvert, de cesser de faire de l'obstruction à l'enquête du coroner et de permettre que ces rapports soient rendus publics, poursuit l'élu de Vision Montréal.

La Presse et Le Devoir ont dévoilé mercredi le contenu d'un second rapport gardé secret par le SPVM. Ce rapport interne révèle que les policiers font preuve de «racisme pur et simple» à l'égard des jeunes des minorités visibles à Montréal-Nord. Dans le contexte où les jeunes se sentent intimidés et provoqués par la police, «il n'est pas surprenant» qu'une émeute ait éclaté au lendemain de la mort de Fredy Villanueva en août 2008, conclut le psychologue Martin Courcy dans son rapport, commandé par le SPVM.

D'âpres débats ont lieu à l'enquête sur la mort de Fredy Villanueva, ces jours-ci, au sujet de ces deux rapports. Mercredi, la Ville de Montréal et son service de police ont voulu obtenir un interdit de publication quant au contenu des débats. Ils refusent de rendre publics ces deux rapports même s'ils ont déjà fait l'objet de reportages dans les médias.

L'avocat de la Ville de Montréal, Me Pierre-Yves Boisvert, a associé les médias à des «incendiaires». «C'est comme si le toit de ma maison avait brûlé. S'il pleut, l'eau va entrer à l'intérieur. Mais je dois quand même protéger ce qu'il me reste, même si je ne peux empêcher un autre incendiaire de venir y mettre le feu le lendemain», a illustré le bouillant avocat pour justifier sa demande. De leur côté, les médias avaient dépêché deux avocats pour s'y opposer. Le coroner André Perreault a finalement rejeté la requête de la Ville. Les débats se poursuivent aujourd'hui.

Une attitude agaçante

Tant le Mouvement Solidarité Montréal-Nord que la Ligue des droits et libertés demandent au SPVM de publier ses rapports. «Ça nous agace que le SPVM détienne des informations à l'interne, dans un cas sur le profilage racial et, dans le second, sur le racisme des agents, alors que, publiquement, il continue de nier le problème», dit le président de la Ligue des droits et libertés, Dominique Peschard.

Même son de cloche au Mouvement Solidarité Montréal-Nord. «Sur le terrain, les témoignages que nous recueillons auprès des jeunes corroborent les conclusions des rapports dévoilés dans les médias. Maintenant, il faut que ce rapport soit produit à l'enquête du coroner pour qu'on puisse tous le consulter», affirme sa porte-parole, aussi directrice de l'organisme Les Fourchettes de l'espoir, Brunilda Reyes.

Les policiers de Montréal-Nord font de réels efforts depuis l'émeute pour se rapprocher des jeunes. «Il y a encore beaucoup d'efforts à faire, mais les policiers tentent réellement d'améliorer leurs relations avec la communauté», constate Mme Reyes.

Dans son rapport, produit en octobre 2008, le psychologue Martin Courcy écrit : «L'approche Éclipse à Montréal-Nord ne mène nulle part, sinon au bord du gouffre.» Cet expert en gestion des conflits reproche à l'escouade Éclipse, créée pour lutter contre les gangs de rue, de mettre tous les jeunes dans le même panier.

Par ailleurs, le premier rapport gardé secret par le SPVM, dont La Presse a révélé l'existence le mois dernier, est l'oeuvre du criminologue Mathieu Charest, employé du SPVM. Il affirme que, dans les quartiers sensibles du nord de la métropole, la proportion de personnes noires interpellées est «alarmante».