Un criminaliste de Montréal qui entretient des liens étroits avec ses clients motards, Me Pierre Panaccio, vient d'être écarté du superprocès des Hells Angels.

Le juge James Brunton de la Cour supérieure a ainsi acquiescé à une requête de la Couronne. La poursuite soutenait que Me Panaccio était en conflit d'intérêts parce qu'il avait déjà défendu Martin Roy, un motard devenu délateur.

 

De son côté, Me Panaccio voulait continuer à défendre ses trois clients actuels arrêtés dans l'opération SharQc: Robert Bonomo, Yves Leduc et Claude Pépin. Il songe «sérieusement» à porter sa cause devant la Cour suprême, a-t-il dit à La Presse, hier.

Le criminaliste doit se retirer du dossier puisque Martin Roy sera l'un des témoins du ministère public au procès, a tranché le juge Brunton dans un jugement écrit rendu le 25 juin dernier.

Ex-membre des Evil Ones (club-école des Hells sur la Rive-Sud), Martin Roy a été le client de Me Panaccio en 2001. À l'époque, le motard donnait déjà des renseignements aux policiers. Me Panaccio a ainsi fait valoir avec succès que le secret professionnel ne tenait plus puisque son client avait lui-même révélé les renseignements protégés par cette règle.

Me Panaccio n'a toutefois pas réussi à prouver au juge Brunton qu'il pouvait remplir son obligation de loyauté envers son ancien client, un devoir prévu dans le Code de déontologie des avocats. «Lors de son témoignage, Martin Roy a fait état d'une série de circonstances qui le liait à Me Panaccio et qui allait au-delà d'une relation avocat/client», indique le magistrat dans son jugement.

Le délateur était locataire de Me Panaccio. Alors qu'il était en retard dans le paiement du loyer, l'avocat l'aurait menacé d'en parler à ses parrains chez les Hells. Roy s'est aussi servi des bureaux du criminaliste comme lieu de rencontre avec d'autres motards.

Me Panaccio a entretenu des liens étroits avec ses clients Hells Angels, au point d'avoir partagé un bureau avec l'un d'eux, Robert Bonomo, en 2002.

Or, ces allégations peuvent constituer des preuves de gangstérisme et de complot pour meurtre contre les clients actuels de Me Panaccio. «La Cour ne peut pas assumer qu'il (Me Panaccio) serait prêt à courir le risque de sacrifier sa réputation pour adéquatement contre-interroger Martin Roy», écrit le juge Brunton.

Le juge Brunton a également écarté la jeune avocate Stéphanie Carrier du superprocès puisque Me Panaccio agit en tant que mentor à son égard. Il y a un risque que l'avocate sente la nécessité de protéger ses relations professionnelles au détriment de son devoir de loyauté envers son client, Dean Moore, selon le juge.

L'opération SharQc a porté un dur coup aux Hells en 2009: elle a permis d'inculper 135 personnes soupçonnées d'avoir commis des meurtres dans le but d'éliminer les Rock Machine/Bandidos et de monopoliser le trafic de drogue.