L'après-midi où il aurait abattu son frère de 16 ans, l'adolescent de Dorval accusé d'homicide involontaire flânait dans sa chambre avec son frère et son ami, Kevin Dvork. Au terme d'une prise de bec banale avec son ami, l'accusé aurait sorti l'arme à feu qu'il cachait de son garde-robe, enlevé le dispositif de verrouillage et inséré le chargeur.

C'est ce que Kevin Dvork, 18 ans, a raconté aux enquêteurs lors de sa déclaration, le soir du drame. Le sergent-détective Stephen Abraham a relaté son témoignage, jeudi, à l'enquête sur mise en liberté de l'adolescent, au Tribunal de la jeunesse de Montréal. En contre-interrogatoire, la défense a tenté de soulever le doute sur le travail des policiers.

Kevin Dvork est arrivé chez l'accusé peu avant 17 h. Le plan était d'aller s'entraîner en soirée. Pendant que l'accusé faisait ses devoirs, son ami regardait des photos dans son téléphone cellulaire. Kevin Dvork s'est mis à allumer des allumettes et à les jeter dans un sac de papier. « Ramasse ça », lui a dit le jeune. « Pourquoi devrais-je? » a répondu son ami.

Selon la déclaration de Kevin Dvork, l'accusé est allé chercher une mallette de cuir dans son garde-robe et l'a déposée sur son lit. Il en a sorti une arme à feu (un pistolet semi-automatique de calibre 9mm), qui appartenait jadis à son grand-père. Il l'a déverrouillée, l'a chargée et a inséré une cartouche dans la chambre. Puis, il a retiré le chargeur. Une balle est tombée sur le sol.

Kevin Dvork soutient avoir pris le jeune par les épaules et l'avoir tassé tranquillement sur le côté. Il serait ensuite retourné jouer avec son cellulaire.

« Peu de temps après, il a entendu un "bang" », a raconté le sergent détective Abraham. Kevin Dvork a alors aperçu le frère de l'accusé - qui était revenu à la maison entre-temps - étendu sur le lit. En panique, l'accusé lui a dit qu'il venait de tirer son frère. Kevin Dvork, qui n'aurait pas vu l'accusé ouvrir le feu, a quitté les lieux. Il est revenu un peu plus tard avec son père pour rencontrer les policiers.

Après avoir rappelé Kevin Dvork et parlé à sa mère, qui était à l'extérieur lors du drame, l'accusé a composé le 911. Il était 17 h 37. Il a raconté à l'opérateur qu'il « déconnait » avec son frère et qu'il ignorait que l'arme était chargée. L'adolescent, qui vient d'avoir 13 ans, a quelque peu changé sa version lorsque les enquêteurs l'ont interrogé, de 23h45 à 4h du matin. Il dit qu'il a accidentellement appuyé sur la gâchette lorsqu'il a voulu remettre l'arme à feu dans la mallette.

Plus tard, le sergent-détective Abraham a souligné que, pour tirer une balle avec ce modèle d'arme à feu, il faut d'abord tirer le chien, la pièce métallique qui met le feu à la poudre. Les expertises ont révélé que la victime se trouvait entre 30 et 60 cm du fusil lorsque le coup de feu à été tiré.

Lors du contre-interrogatoire, l'avocate de la défense, Me Isabel Sherman, a questionné le sergent-détective sur les preuves que les policiers détiennent contre son client outre son témoignage et celui de Kevin Dvork. Le policier a dit qu'aucune empreinte digitale n'a été relevée sur l'arme. De plus, les enquêteurs n'ont pas demandé que des analyses soient faites pour déterminer si l'accusé ou son ami avaient des traces de poudre à canon sur eux.

Me Sherman a également souligné que, lorsque les premiers policiers sont arrivés sur les lieux, ils n'ont pas demandé à l'adolescent si une autre personne se trouvait sur place au moment du drame. À peine 15 minutes après leur arrivée, ils ont arrêté le garçon de 12 ans et l'ont conduit au poste même si ce dernier leur répétait qu'il s'agissait d'un accident.

Une arme volée

Par ailleurs, la famille de l'accusé a dit aux policiers qu'elle ignorait que l'adolescent cachait l'arme dans sa chambre. Elle appartenait jadis au grand-père du jeune, un chasseur. Lorsqu'il est mort, en 2006, sa femme a hérité de ses cinq armes. En décembre 2012, l'accusé et la victime ont dit à leur mère qu'ils aimeraient les avoir en héritage.

La grand-mère leur a donné, mais elle a changé d'avis lorsque deux de ses enfants lui ont dit que ce n'était pas une bonne idée. La mère des deux jeunes est venue les reporter, mais l'accusé aurait réussi à en voler une. Les policiers ont d'ailleurs découvert ses empreintes digitales dans l'armoire où la grand-mère les avait entreposées.

Trois semaines avant le drame, il aurait participé à un vol à main armée dans une station-service du secteur. Lui et un autre jeune, âgé de 15 ans, ont été accusés de ce crime le mois dernier. Le complice a plaidé coupable. Il a aussi une cause pendante de vol à l'étalage dans un Maxi.

L'accusé consommait aussi de la drogue, selon le sergent-détective Stephen Abraham. Le policier a lu à la juge Dominique Wilhelmy de nombreux messages texte que Kevin Dvork et l'accusé se sont échangés dans le passé et dans lesquels il était question de cannabis, d'alcool et d'ecstasy. Il y a deux ans, la victime a appelé le 911 pour dire que son frère, qui n'avait que dix ans à l'époque, était ivre et agressif.

L'enquête sur mise en liberté se poursuivra le 22 avril. La défense entend faire témoigner trois membres de la famille et un psychiatre.