Il a fait la une des tabloïds et des médias new-yorkais, qui se régalent des détails croustillants de sa vie de playboy québécois. Selon la police américaine, il est un baron de la drogue qui aurait amassé près de 1 milliard en inondant la Nouvelle-Angleterre de cannabis. À l'aube d'un procès qui pourrait l'envoyer en prison à vie, Jimmy Cournoyer a accepté pour la première fois de répondre aux questions d'un journaliste, pour discuter de son histoire rocambolesque et de ceux qu'il accuse d'avoir causé sa perte: un groupe de criminels mohawks de la région d'Akwesasne qui contrôleraient la «porte d'entrée» vers les États-Unis et qui auraient trouvé en lui le bouc émissaire idéal.

Jimmy Cournoyer n'est pas un ange, et il le sait. Mais le costaud trentenaire lavallois refuse de tomber seul sous les accusations de ceux qui souhaiteraient faire de lui le nouvel Al Capone, «l'homme à 1 milliard».

«À court de faits, le gouvernement crache des mensonges pour noircir mon nom. J'aurais dû embaucher un avocat plus tôt, quand j'ai entendu des échos selon lesquels des gens utilisaient mon nom (ou ce qui sonnait comme mon nom)», s'indigne-t-il dans une déclaration transmise par son avocat à La Presse.

Si Jimmy Cournoyer a accepté de répondre à une série de questions, c'est parce qu'il se prépare à livrer la bataille de sa vie pour échapper à la peine de prison à perpétuité qui lui pend au bout du nez, au terme d'une enquête colossale de la DEA, l'agence fédérale antidrogue américaine.

Selon la preuve déposée en cour jusqu'à maintenant par les procureurs fédéraux américains, tout a commencé en 2007. Les autorités américaines enquêtaient sur plusieurs «organisations internationales de trafic de drogue basées à Montréal», qui avaient créé un «consortium» avec des grossistes et des distributeurs de marijuana de la région de New York.

La majorité de la marijuana canadienne était exportée par la réserve mohawk d'Akwesasne, qui chevauche les frontières du Québec, de l'Ontario et des États-Unis.

La police a identifié un des fournisseurs de pot comme étant Jimmy Cournoyer, Lavallois adepte de culture physique, de belles voitures et de jolies filles. Selon l'enquête, Cournoyer gérait la livraison de marijuana cultivée au Québec et en Colombie-Britannique jusqu'à la réserve d'Akwesasne.

Des «réseaux de transport autochtones» l'acheminaient ensuite à New York. La police affirme que Cournoyer envoyait une partie de ses profits jusque dans le sud des États-Unis pour acheter de la cocaïne, qui était ensuite importée au Canada.

Les autorités américaines estiment que l'organisation de Cournoyer a engrangé des revenus de près de 1 milliard de dollars et elles comptent lui réclamer la somme astronomique de 800 millions en pénalités.

Jimmy Cournoyer conteste vigoureusement ces chiffres, mais il ne nie pas sa vie de jet-setter. Il a fréquenté la mannequin internationale Amelia Racine. Il est un bon ami de la superstar du combat ultime Georges St-Pierre, avec qui s'entraîner était un «honneur», «en dépit des raclées» qu'il recevait. Il a même déjà emmené son frère faire la fête avec Leonardo DiCaprio, comme le démontre une photo fournie à La Presse. L'acteur est un homme «terre à terre», avec qui il s'entendait très bien, dit-il.

«M. Cournoyer était une cible idéale, il avait le mode de vie criard, avec les stars de Hollywood», explique son avocat new-yorkais, Gerald J. Mcmahon.

«Oui, on a voyagé, oui, on a rencontré plein de vedettes parce que son très bon ami, c'était Georges St-Pierre, mais les montants avancés quand on parle de lui, c'est d'une ampleur extravagante, ça n'a pas de c.... d'allure», peste son frère, Joey Cournoyer, en entrevue.

En 2009, les policiers américains ont frappé une première partie du réseau, en s'attaquant aux réseaux de transport établis à Akwesasne. Des dizaines de personnes ont été arrêtées, dont certains richissimes trafiquants.

Ce n'est que plusieurs années après cette vague d'arrestations que les enquêteurs ont été en mesure de porter des accusations contre Jimmy Cournoyer. Il y a un an presque jour pour jour, il est monté dans un avion à Montréal, à destination du Mexique. À son arrivée, la police mexicaine l'a immédiatement enfermé dans une cellule, avant de l'embarquer de force dans un avion vers les États-Unis, où il est maintenant détenu en attendant son procès.

Dans son message à La Presse, Cournoyer affirme qu'il se sent «abandonné par sa mère patrie», le Canada, qui n'a pas protesté contre sa remise aux Américains. Il trouve «mal de la part de la justice américaine de kidnapper un citoyen canadien au Mexique».

Un bouc émissaire

Cournoyer et son avocat nient plusieurs des éléments de preuve de la poursuite, dont certains proviennent de délateurs. Ils croient mordicus que des suspects de la première vague d'arrestations à Akwesasne - dont certains se sont entendus avec la poursuite pour plaider coupable - se sont concertés pour lui faire porter tout le blâme, en lui donnant une importance qu'il n'a pas, pour protéger ceux qui contrôlent la porte vers les États-Unis.

Le Lavallois prétend qu'il est «le bouc émissaire pour que [ceux-ci] risquent le moins de prison possible en pointant du doigt quelqu'un d'autre». Il dit qu'il peut démontrer à son procès que les vrais cerveaux de l'affaire se trouvaient à Akwesasne.

Son avocat a présenté à la cour une liste d'une dizaine de délateurs «probables», qu'il soupçonne d'avoir voulu jeter le blâme sur son client. Il croit d'ailleurs que certaines allégations, comme l'existence d'un soi-disant fonds de 2 millions financé par Cournoyer pour encourager le meurtre des délateurs, ont été fabriquées par des gens qui souhaitaient se donner de l'importance aux yeux des autorités.

Joint par La Presse, le procureur fédéral américain responsable du dossier n'a pas voulu confirmer ou infirmer si les gens qui témoigneront contre Cournoyer bénéficient d'une sentence allégée. Il prévient toutefois que la divulgation de leur identité pourrait mettre leur vie en danger.

Cournoyer ne pourra jamais prétendre être un citoyen modèle. Il a fait de la prison au Québec pour un épisode de conduite dangereuse. Selon le National Post, il a déjà été arrêté en possession de milliers de pilules d'ecstasy et d'un revolver à Toronto. Mais la différence entre un baron de la drogue et un simple exécutant sera énorme si un juge doit lui imposer une peine de prison. Angoissés et dépressifs, ses parents croisent les doigts pour qu'il évite la prison à vie.

Dans sa déclaration, Jimmy Cournoyer explique que les seuls qui pourraient le décrire comme un baron de la drogue, ce sont les «rats» (les délateurs), mais «pas ceux qui le connaissent vraiment».

«Mon frère est un genre de petit cowboy, il a son côté... Ce n'est pas un ange, mais il n'est pas comme ce qu'on voit dans le journal. Il est fier de lui-même, il tient toujours parole, il a beaucoup d'amis et tout le monde l'aime. Mais des gens qui se sont fait prendre essayent de lui lancer la balle pour diminuer leur peine», ajoute Joey Cournoyer.

S'il est libéré un jour, Jimmy Cournoyer affirme qu'il veut «se caser» et fonder une famille.

Chose certaine, il ne prévoit pas retourner aux États-Unis ni au Mexique. Ni à Akwesasne.

-Avec la collaboration de Daniel Renaud et de Hugo Pilon-Larose

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Un réseau international

Selon les enquêteurs américains, Jimmy Cournoyer était à la tête d'un groupe qui avait des ramifications dans trois pays.

1. Colombie-Britannique

Une partie du cannabis y était cultivée, puis transportée à Montréal ou à Laval par la route avant l'exportation.

2. Montréal

D'autres plantations étaient situées dans la région de Montréal. C'est aussi de là qu'était organisé le trafic.

3. Akwesasne

Lieu central de toute l'affaire. Le cannabis traversait

vers les États-Unis. La cocaïne et des pistolets

9 mm y traversaient dans l'autre sens, vers le Canada.

4. New York

C'est là qu'était envoyé le cannabis pour être revendu aux grossistes et aux distributeurs locaux, dont au moins un était lié à la famille mafieuse des Bonanno, selon la preuve.

5. Californie

L'argent de la vente du cannabis était utilisé pour y acheter de la cocaïne qui serait revendue au Canada.

6.Arkansas

L'autre endroit où l'argent du réseau servait à acheter de la cocaïne.

7. Mexique

C'est de là que la cocaïne était envoyée vers les États-Unis, pour que le réseau puisse en prendre livraison et la rapporter au Canada.