Dans son enquête sur le CUSM, l'UPAC a mis la main sur des courriels et des transferts bancaires qui incriminent directement Arthur Porter, ex-dirigeant de l'hôpital, et Riadh Ben Aïssa, ancien haut dirigeant chez SNC-Lavalin.

De plus, l'ex-grand patron de SNC-Lavalin Pierre Duhaime a échangé cinq courriels très suspects avec M. Ben Aïssa juste avant que le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) ne relance son processus d'appel d'offres, en novembre 2009.

C'est ce que révèlent des documents de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) obtenus par La Presse.

« Ces échanges traitent d'une rencontre que les deux individus doivent avoir avec un ''ami'' qui doit leur transmettre de l'information», ont écrit les policiers de l'UPAC.

Ces courriels sont intitulés «CUSM», « Rencontre » et «Acceptée CUSM». Au même moment, lasociété Sierra Asset Management était créée aux Bahamas. Cet intermédiaire recevra 22,5 millionsde SNC-Lavalin et servira à transférer des fonds à Arthur Porter, dirigeant du CUSM, et à son bras droit Yanai Elbaz, toujours selon des documents de l'UPAC.

Un comité de vérification chargé de faire la lumière sur les malversations au sein de SNCLavalin a conclu que l'entreprise basée aux Bahamas «semble fictive».

Quatre versements

L'intervention de l'«ami» bien informé de Pierre Duhaime et la création de la société Sierra ne sont pas les seuls événements à coïncider de façon suspecte dans la chronologie rédigée par l'UPAC.

Le 1er avril 2010, Québec annonce que le consortium dirigé par SNC-Lavalin modernisera et gérera le nouveau mégahôpital.

Vingt jours plus tard, deux cadres de SNC-Lavalin organisent le transfert de 10 millions de dollars « de façon urgente » à Sierra Assets Management.

Sur papier, ces versements se faisaient dans le cadre d'un «projet gazier en Algérie (Rhoud Nouss)». Ils servaient plutôt à «influencer des fonctionnaires québécois en vue de l'attribution du contrat» du CUSM à SNC-Lavalin, selon les déclarations sous serment de l'UPAC.

Les transferts du géant québécois de l'ingénierie à la mystérieuse société se multiplieront. Deux versements de 5 millions seront effectués le 22 juillet et le 20 décembre 2010.

Riadh Ben Aïssa «a orchestré» le système Puis , en août 2011, Stéphane Roy, de SNC-Lavalin, a envoyé à un collègue un courriel lui demandant de transférer 2,5 millions de dollars à leur «ami aux Bermudes» ou « en bermudas ». Cette personne avait déjà reçu 20 millions, selon le même message.

Chaque fois, les transferts d'argent dénichés par l'UPAC sont signés par Riadh Ben Aïssa, ancien dirigeant de SNC-Lavalin en Afrique du Nord, et par Hugues Crener, son subordonné au sein de la firme.

M. Ben Aïssa est présentement détenu en Suisse, les autorités helvètes le soupçonnant de corruption en Libye.

Selon la déclaration sous serment, c'est lui qui « a orchestré » le transfert des pots-de-vin de 22,5 millions de dollars. Les fonds n'étaient pas directement transférés à Arthur Porter et à Yanai Elbaz, mais passaient plutôt par un réseau complexe d'entreprises, selon les documents.

Les déclarations sous serment obtenues par La Presse étaient lourdement caviardés. Ils ont servi à obtenir l'autorisation d'un juge pour effectuer des perquisitions dans les bureaux du CUSM et d'Infrastructure Québec, en septembre dernier.