Après l'avoir expulsé du caucus conservateur jeudi, le gouvernement veut maintenant suspendre le sénateur Patrick Brazeau avec salaire du Sénat.

Le bureau de la leader du gouvernement au Sénat, Marjory LeBreton, en a fait l'annonce en fin d'après-midi vendredi.

«Le caucus du gouvernement au Sénat compte déposer une motion mardi dans le but d'imposer un congé au sénateur Brazeau», peut-on lire dans une brève déclaration.

«De plus, la motion demandera au Comité sénatorial permanent de la régie interne de prendre les mesures nécessaires pour que le sénateur n'ait plus accès aux ressources du Sénat.»

Ce «congé» serait d'une durée indéterminée. Il ne s'agit toutefois pas d'une expulsion, a-t-on précisé au bureau de la sénatrice LeBreton, et M. Brazeau continuera à toucher son salaire de plus de 132 000 $.

Libération sous conditions

Le sénateur Patrick Brazeau a été remis en liberté sous conditions vendredi, après avoir comparu au Palais de Justice de Gatineau pour faire face à des accusations d'agression sexuelle et de voies de fait simple.

M.Brazeau a dû payer une caution de 1000 dollars et s'engager à respecter certaines conditions, dont celles de ne pas s'approcher de la victime, de ne pas posséder d'arme à feu et de résider à l'adresse qu'il a fournie au tribunal comme étant son principal lieu de résidence, à Maniwaki.

Il n'a pas fourni de plaidoyer et doit revenir en cour le 22 mars prochain.

Le plus jeune sénateur de l'histoire du Canada a été arrêté à sa résidence de Gatineau vers 9h jeudi, à la suite d'un appel au 911. Il est resté détenu depuis, les services policiers ayant recommandé de ne pas le remettre en liberté. Ils ont effectué une fouille et une perquisition de sa résidence.

On ignore encore plusieurs des faits dans cette affaire. Un interdit de publication a été ordonné au sujet de l'identité de la victime. «Ce sont des accusations sérieuses», a toutefois indiqué Sylvain Petitclerc, procureur en chef adjoint aux poursuites criminelles et pénales à Gatineau.

M. Brazeau a quitté le Palais de justice en trombe après avoir payé sa caution, sans s'adresser aux nombreux médias qui l'attendaient.

Expulsé du caucus

Jeudi, les allégations circulant au sujet de M. Brazeau ont poussé le premier ministre Stephen Harper à expulser du caucus conservateur ce sénateur de 38 ans qu'il a lui-même nommé au Sénat à la fin de 2008.

M. Brazeau siégera désormais comme indépendant. Les pressions augmentent pour qu'il soit expulsé de la Chambre haute.

L'arrestation s'inscrit dans la foulée d'une série d'allégations de fraudes, de harcèlement sexuel ou de recours pour non-paiement de pension alimentaire qui ont rattrapé l'homme originaire de Maniwaki au cours des derniers mois.

Mercredi soir, le réseau CTV a rapporté qu'il avait déclaré une fausse adresse sur une réserve du Québec aux autorités du Revenu pour profiter d'exemptions fiscales auxquelles il n'avait pas droit entre 2004 et 2008. Il était alors à l'emploi du Congrès des peuples autochtones, une organisation qui défend les intérêts d'Indiens non inscrits.

Il y a quelques mois, le même réseau a révélé que le sénateur du Québec avait déclaré aux autorités du Sénat un lieu de résidence dans lequel il ne semblait pas vivre, afin de bénéficier d'une prime de logement d'environ 20 000$ pour payer ses frais de résidence à Gatineau. Ces déclarations, comme celles d'autres sénateurs, font l'objet d'une enquête parlementaire et devraient être référées à un vérificateur externe, a appris La Presse.

Par ailleurs, Revenu Québec aurait récemment ordonné une saisie de 800 $ par mois sur le salaire du sénateur pour une pension alimentaire destinée à son fils aîné, qu'il refusait ou omettait de payer.

Enfin, des allégations de harcèlement sexuel par une ancienne employée ont fait l'objet d'un recours à la Cour fédérale il y a deux ans. Les faits remontaient à l'époque où M. Brazeau était chef national du Congrès des peuples autochtones. La poursuite a depuis été abandonnée.

Lieu de résidence ?

La question de la résidence permanente de l'accusé a refait surface durant la brève audience de vendredi matin.

Questionné pour savoir quelle adresse devrait être inscrite dans le dossier de cour quant à l'engagement d'habiter chez lui durant les procédures, il a répondu en donnant une adresse de Maniwaki. Cette réponse a surpris la procureure de la couronne, qui a noté qu'elle croyait qu'il résidait dans la maison de Gatineau où il a été arrêté. Mais après une certaine hésitation, il a opté pour l'adresse de Maniwaki.

«Nous, on est allés avec l'adresse au dossier - l'adresse que nous croyions être celle de M. Brazeau. Et juste avant de quitter, il a donné une adresse qui nous était inconnue et il a indiqué qu'il était pour habiter à cette adresse le temps des procédures», a expliqué par la suite le procureur en chef adjoint, Me Petitclerc.

«S'il y a bris d'engagement, à ce moment-là, son engagement peut être révoqué et il peut attendre la poursuite des procédures en détention», a ajouté l'avocat. M. Brazeau conserve toutefois le droit de se rendre à la maison de Gatineau où il a été appréhendé.

Autres controverses

Les ennuis de cet adversaire défait par Justin Trudeau lors d'un match de boxe hautement médiatisé l'an dernier ne s'arrêtent pas aux démêlés avec la justice.

Il y a quelques mois, la Presse canadienne a rapporté qu'il avait un taux d'absentéisme très élevé au Sénat : il avait alors manqué 25 % des 72 journées de séance et 65 % des rencontres du comité sénatorial des affaires autochtones, sur lequel il siège.

L'article l'avait incité à se rendre sur Twitter et à traiter l'auteure de «salope», insinuant qu'elle était insensible à des problèmes personnels qu'il n'a pas divulgués.

La semaine dernière, Patrick Brazeau a été au centre d'une autre controverse médiatique, lorsqu'il s'est moqué d'un surplus de poids de la chef d'Attawapiskat Theresa Spence avant et après sa grève de la faim, au cours d'un souper-bénéfice du Parti conservateur. Le sénateur s'est montré très critique du mouvement autochtone tout au long des protestations qui ont fait rage dans les dernières semaines, exigeant une plus grande transparence financière et responsabilité de leurs leaders.