La classe d'attachement et les deux classes de comportement de l'école Martel, à Sorel-Tracy, accueillent des enfants dysfonctionnels, aux prises avec des problèmes de santé mentale et de comportement. Avec patience et douceur, le personnel travaille au rythme de l'enfant pour l'aider à cheminer. L'école a ouvert ses portes à La Presse pendant quelques jours pour vivre le quotidien de ces enfants. Voici le dernier volet de notre reportage.

Le retour du dîner se passe dans le calme. Matthew commence à se braquer lorsqu'il est question de se rendre à la bibliothèque. Sans crier gare, il lance ses livres par terre et part en courant dans le corridor.

Immédiatement, Nancy Gamelin, technicienne en éducation spécialisée (TES), part à ses trousses, ainsi que Julie Fugère, la pédopsychiatre. On entend des cris, des pleurs.

Le jeune est conduit vers le local d'isolement. Une pièce d'à peine quatre pieds sur huit, verrouillée de l'extérieur, sans rien d'autre qu'un épais tapis au sol.

Le local d'isolement est une mesure de dernier recours au Palier 3. Les interventions respectent une procédure rigoureuse autorisée par les parents. Quand un enfant est en crise au point d'être dangereux pour lui ou pour les autres, les intervenants n'ont pas le choix.

Matthew se débat. Il frappe le mur avec son poing - si fort que ses jointures rougies menacent de se fendre.

Un autre TES, Stéphane Chrétien, arrive en renfort. Il doit intervenir physiquement pour calmer l'enfant et l'empêcher de se faire du mal.

Assis sur le tapis, il tient Matthew doucement, mais fermement dans ses bras. L'enfant finit par se calmer et se recroqueville sur le sol.

L'intervenant sort en laissant la porte entrouverte pour donner à l'enfant encore quelques minutes de tranquillité. Il a le visage fatigué. «Ce n'est jamais facile, une intervention comme celle-là», affirme M. Chrétien.

Heureusement, elles ne sont pas fréquentes. Le profil des élèves a changé au fil des ans dans les classes d'attachement et de comportement. Les interventions aussi.

Avant, il n'était pas rare que les enseignants et le personnel soient menacés physiquement. «Je me suis fait mordre, cracher dessus, menacer avec des ciseaux», se souvient Martin Latour, enseignant en adaptation scolaire à l'école Martel depuis plusieurs années.

Aujourd'hui, la violence est souvent verbale. Les jeunes en crise lancent des insultes et des blasphèmes.

Quand ils sentent l'angoisse monter, les élèves ont plusieurs possibilités pour les aider à retrouver un certain calme. Certains vont au local d'apaisement, un endroit rempli de jouets et de toutous.

D'autres préfèrent courir et se défouler à l'Escale, un grand local vide, éclairé par de larges fenêtres.

Les enfants des classes adaptées sont impulsifs. Ils gèrent mal leur colère. En classe ordinaire, ils ont tous fait des crises. Des crises souvent incontrôlables.

«Nous avons eu un élève dont la mère avait perdu son emploi parce que l'école l'appelait trop souvent au travail pour qu'elle vienne chercher son enfant en crise», raconte Karine Valois, enseignante dans la classe d'attachement.

Dans les classes adaptées, les enfants apprennent peu à peu à trouver des moyens de gérer leur colère, d'exprimer leurs sentiments.

Balles en mousse antistress, minuterie, protecteurs d'oreilles antibruit, embouts en plastique placés sur les crayons pour empêcher les enfants de les manger: divers moyens sont utilisés pour aider les élèves à calmer leur anxiété.

Ça fonctionne. Éloi, surnommé affectueusement la sauterelle parce qu'il était incapable de rester en place, arrive maintenant à se concentrer sur son travail quand il porte une veste avec de légers poids. La lourdeur sur ses épaules l'apaise.

Récemment, la zoothérapie a aussi fait son entrée à l'école Martel. Les lapins Noisette et Bob partagent également le quotidien des élèves dans les classes. Le coup de foudre a été instantané. Les enfants s'en occupent comme de vrais bébés, et oublient pour quelques instants leurs inquiétudes.

NOTE: Le nom des élèves a été changé par souci de confidentialité.