Même en puisant dans leurs surplus accumulés, un nombre croissant de centres de la petite enfance (CPE) n'arrivent plus à joindre les deux bouts. Au point où la moitié d'entre eux sont en situation de déficit.

Plusieurs CPE sont contraints de réduire leurs services. Certains ont aboli les postes de conseillère pédagogique. D'autres envisagent de réduire leurs heures d'ouverture. Certains ont même changé le menu qu'ils présentent aux enfants. On sert davantage de tofu et de légumineuses et moins de viande, de façon à réduire la facture d'épicerie.

L'Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE) avait sondé ses membres en 2009-2010 et en 2010-2011. Il y a deux ans, 41% des CPE étaient en déficit. L'an dernier, ce chiffre avait grimpé à 51%.

Cette année, les échos des membres laissent croire que «la situation s'est encore détériorée», affirme Xavier de Gaillande, directeur général adjoint.

Les subventions de fonctionnement versées par Québec ne suivent pas la réalité sur le terrain. Qu'il s'agisse des frais liés aux locaux, aux dépenses non salariales ou à la progression salariale des employés, les barèmes n'ont pas été indexés depuis plusieurs années, explique M. de Gaillande.

«Plusieurs corporations ont fait l'exercice de compressions, mais il arrive un moment où on ne peut plus couper», dit-il. Il ajoute que devant des pourcentages aussi élevés de CPE déficitaires, «ce n'est pas vrai que c'est juste des mauvais gestionnaires».

Plusieurs CPE ont puisé dans leurs réserves, un peu plus chaque année. Ils ont fini par écouler tout leur bas

de laine.

Le CPE La Petite Marine, qui regroupe trois installations et un bureau coordonnateur pour le milieu familial, se retrouve dans cette situation.

En 2009, ce CPE de la région de Sorel a agrandi ses installations pour accueillir plus d'enfants. «On avait un bon coussin d'économie, on est allé le chercher au complet», indique la directrice générale Nathalie Nadeau.

Quand il autorise un nouveau projet pour l'ajout de places, le Ministère demande en effet aux services de garde de puiser d'abord dans leurs surplus pour la mise de fonds.

Quatre ans plus tard, le CPE La Petite Marine est maintenant en déficit. Il a dû abolir les postes de conseillère pédagogique qui permettaient de faire le lien entre les enfants qui ont des besoins particuliers, les éducatrices et les ressources d'aide, notamment pour les troubles envahissants du développement. «On va jouer dans la qualité des services», craint Mme Nadeau.

La marge de manoeuvre est mince, explique pour sa part Suzanne Flageolle, directrice générale du CPE Saint-Luc, à Saint-Jean-sur-Richelieu, qui regroupe trois installations accueillant 190 enfants. «La masse salariale représente 80% des dépenses. Ensuite, on paie l'épicerie et les contrats de service. Il ne reste plus grand-chose.»

Québec subventionne les services de garde en fonction des jours d'occupation et des places au permis. Les CPE qui emploient des éducatrices et du personnel plus qualifié, avec plus d'expérience, sont pénalisés, puisqu'ils paient davantage pour les salaires et les avantages sociaux.

La porte-parole du ministère de la Famille, Nadia Caron, confirme que 448 CPE ont fait un déficit en 2011-2012, soit 46% d'entre eux. Le Ministère fait un plan de suivi rigoureux avec chacun pour retrouver l'équilibre budgétaire.

«Il n'y a pas lieu de s'alarmer puisque, dans l'ensemble, la situation financière des CPE est bonne», assure Mme Caron.

Environ 80% des CPE ont également des surplus accumulés de l'ordre de 92 000$ en moyenne, ajoute-t-elle.

Une affirmation qui fait bondir les CPE. Ces surplus constituent un fonds de roulement et doivent servir à l'entretien et à la réfection des bâtiments, de même qu'à l'aménagement des équipements, notamment les cours, qui relèvent de la responsabilité des CPE, explique Xavier de Gaillande.