Dans la mouvance de la grève étudiante du printemps 2012, le gouvernement Marois a aboli la hausse des droits de scolarité décrétée par l'ancien gouvernement libéral et promis un Sommet sur l'enseignement supérieur. Quatre rencontres devaient permettre de préparer l'événement en vue d'obtenir un consensus. Elles ont plutôt fait ressortir, une fois de plus, les opinions souvent inconciliables sur la question des universités. Certains groupes menacent de boycotter le Sommet tandis que les autres dénoncent la mauvaise organisaton. Le ministre Pierre Duchesne s'est perdu dans ses déclarations concernant les droits de scolarité, forçant la première ministre Pauline Marois à intervenir personnellement. À quelques jours de la rencontre des 25 et 26 février, voici un portrait des acteurs et des enjeux.

LES ACTEURS-CLÉS

Luce Samoisette > Rectrice de l'Université de Sherbrooke depuis 2009, elle est aussi présidente du conseil d'administration de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ). Présente aux rencontres préparatoires en vue du sommet, elle a vivement dénoncé les compressions imposées par le gouvernement Marois aux universités. Au nom des recteurs, elle a aussi proposé la création d'un conseil des affaires universitaires du Québec, sorte d'organisme consultatif sur la qualité de l'enseignement.

Martine Desjardins > La présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) est la seule leader de la grève étudiante toujours en poste. Au printemps, elle a négocié avec l'ancien gouvernement libéral pour trouver une issue à la crise, sans succès. Avec la Fédération étudiante collégiale (FECQ), elle a ensuite fait campagne pour inciter les étudiants et élèves à voter aux élections générales. Très visible sur la scène publique, elle a dénoncé à plusieurs reprises les dérives administratives des universités. Elle a même accusé les recteurs de «tricher» en ce qui concerne le sous-financement des universités. Elle prône la création d'une commission d'évaluation des universités. Son organisation menace de faire campagne contre la réélection du Parti québécois si le gouvernement Marois n'opte pas pour le gel des droits de scolarité.

Éliane Laberge > Elle a succédé à Léo Bureau-Blouin à la présidence de la FECQ en mai dernier. Elle s'est rapidement inscrite dans la même voie que son prédécesseur en prônant la négociation avec le gouvernement lors de la grève étudiante. Elle a fait campagne aux côtés de la FEUQ pour inciter les jeunes électeurs à voter aux élections. En vue du sommet, son organisation est un peu plus effacée, mais n'en prône pas moins le gel des droits de scolarité.

Les centrales syndicales > Les chefs des centrales syndicales ont conseillé à quelques reprises le mouvement étudiant lors de la grève du printemps 2012. Les anciens présidents, Louis Roy de la CSN et Réjean Parent de la CSQ, ainsi que Michel Arsenault de la FTQ avaient participé activement aux négociations du mois de mai entre l'ancien gouvernement Charest et les étudiants, une séance intensive de 23 heures qui a débouché sur une entente finalement rejetée par les étudiants. L'automne dernier, la CSN s'est positionnée en faveur d'une mesure qui tendrait vers la gratuité scolaire. Elle refuse l'indexation et souhaite à tout le moins le gel des droits de scolarité. C'est principalement la vice-présidente de la CSN, Denise Boucher, qui a pris part aux débats lors des rencontres préparatoires en vue du Sommet. Affiliés à la CSN, les enseignants du collégial, avec la présidente de la Fédération nationale des enseignants du Québec (FNEEQ) en tête, Caroline Senneville, menacent pour leur part de boycotter le sommet parce que le gouvernement Marois renie une entente signée avec l'ancien gouvernement pour un dédommagement de 30 millions lié à la grève.

Max Roy > Les professeurs d'université ont été choqués par l'adoption d'une loi d'exception et l'intervention des forces policières sur les campus au printemps dernier. Se faisant leur porte-parole, Max Roy, président de la Fédération québécoise des professeurs d'université (FQPPU), a réclamé des états généraux sur les universités. Le syndicat a organisé un forum sur l'avenir des établissements universitaires l'automne dernier. Dans le cadre du sommet, la FQPPU a dévoilé une mise à jour d'une étude datant de 2010 qui démontre que les universités consacrent une part de plus en plus importante de leur budget de fonctionnement à des immobilisations et à des projets d'expansion. Le syndicat exige aussi l'embauche de professeurs. Il en manquerait près d'un millier pour revenir à un rapport professeur-étudiants minimalement acceptable.

L'ASSÉ > Après un ultimatum et des jours de tergiversations, l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) a finalement annoncé cette semaine qu'elle ne sera pas présente au Sommet. Cette décision vient du fait que le gouvernement refuse de considérer sérieusement l'option de la gratuité scolaire, a expliqué Jérémie Bédard-Wien, l'un des porte-parole. L'ASSÉ, qui représente 70 000 cégépiens et étudiants, promet toutefois d'être présente dans la rue. Plusieurs associations étudiantes ont d'ailleurs voté pour une grève les 25 et 26 février et des «actions» sont prévues aux abords du lieu où se tiendra le Sommet.

***

LES PROPOSITIONS QUANT AUX DROITS DE SCOLARITÉ

Hausse > Les libéraux voulaient les augmenter de 1635$ en cinq ans. Ils ont ensuite proposé un étalement sur sept ans, ce qui portait le total de la hausse à 1778$. Le gouvernement Charest a ensuite mis de l'eau dans son vin. Sa dernière offre était une hausse de 1533$ en sept ans.

Gratuité > L'ASSÉ a fait de la gratuité scolaire son champ de bataille. L'organisation affirme que rendre l'éducation gratuite à tous les niveaux coûterait 700 millions.

Gel > La FECQ et la FEUQ réclament que les droits de scolarité soient «gelés» au tarif actuel, soit 2168$ annuellement.

Indexation > C'est la voie préconisée par le gouvernement Marois qui s'inspire des travaux de l'économiste Pierre Fortin sur la question. L'indexation pourrait atteindre 46, 70 ou 83$ annuellement selon l'option retenue. Pour la première ministre, Pauline Marois, l'indexation équivaut à un gel des droits de scolarité.

Modulation > Plusieurs propositions pour moduler les droits de scolarité ont été avancées. Le recteur de l'Université de Montréal, Guy Breton, propose ainsi de les moduler en fonction des domaines d'étude, une idée soutenue par les trois candidats à la direction du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, Raymond Bachand et Pierre Moreau. La Coalition avenir Québec suggère pour sa part que les grandes universités qui font de la recherche de pointe puissent facturer des droits de scolarité plus élevés que les autres.

***

BATAILLE DE MOTS ET DE CHIFFRES

Sous-financement > La CREPUQ estime que le sous-financement des universités québécoises comparativement aux universités canadiennes atteint 850 millions. Ces chiffres proviennent d'une mise à jour des travaux menés conjointement avec le ministère de l'Éducation au début des années 2000, qui chiffraient alors le manque à gagner à 325 millions. L'économiste Pierre Fortin évalue pour sa part le sous-financement à 300 millions.

«Mal financement» > La FECQ et la FEUQ affirment que le sous-financement n'existe pas. Il s'agit en fait d'un «mal financement» causé par les universités elles-mêmes. Les étudiants montrent du doigt le déménagement des campus, les projets immobiliers, l'utilisation des fonds de fonctionnement à d'autres fins que celles auxquelles ils sont destinés, sans compter des salaires et des primes de départ élevés accordés aux recteurs.

Sur-financement > La première ministre Pauline Marois a récemment affirmé qu'un rapport interne datant de 2006 - jamais rendu public - chiffre le sur-financement des universités à 56 millions.