Un consensus fragile s'est dégagé quant à la nécessité de créer un organisme indépendant sur les universités lors d'une rencontre convoquée par le gouvernement Marois, vendredi. Mais on ne s'est pas entendu sur l'essentiel: son mandat.

Les recteurs militent pour un organisme consultatif sur la qualité de l'enseignement, des étudiants pour un organisme plus contraignant qui met aussi son nez dans la gestion des universités.

Le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, n'a pas voulu trancher tout de suite. Il s'est surtout réjoui qu'il y ait eu « rapprochement » entre les acteurs. « Personne n'a déchiré sa chemise !» a-t-il lancé comme soulagé, en conférence de presse. Il est allé jusqu'à qualifier de « succès » cette première de quatre rencontres thématiques en prévision du sommet sur l'enseignement supérieur qui aura lieu en février. « C'est quand même une progression rapide et assez spectaculaire quand on sait qu'il y a quelques mois, ces gens-là n'étaient pas capable de se voir en peinture», a-t-il affirmé, faisant allusion au conflit étudiant du printemps.

La rencontre a réuni une centaine de représentants d'universités, d'associations étudiantes, de syndicats et du patronat. Elle portait sur la qualité de l'enseignement, un thème qui a donné lieu à des débats sur les critères servant à l'évaluer. L'idée de créer un organisme indépendant sur les universités a rapidement fait son chemin.

D'entrée de jeu, la présidente de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ), Luce Samoisette, a proposé un «Conseil des affaires universitaires du Québec». Cet organisme «d'étude et de conseil» serait composé de 21 membres nommés par le gouvernement dont la majorité ne serait «ni étudiant ni à l'emploi d'une université québécoise et proviendrait de domaines professionnels diversifiés». Il rendrait compte à l'Assemblée nationale de la qualité de l'enseignement universitaire et de son «adéquation» avec les besoins de la société, par exemple. Il veillerait à l'application de «mécanismes rigoureux» pour évaluer les projets de nouveaux programmes. Il proposerait des «objectifs de développement du réseau universitaire». Ce serait un organisme consultatif, à l'image du Conseil supérieur de l'éducation.

La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) demande que l'organisme ne soit pas seulement consultatif. «Il faut qu'il y ait aussi des contraintes», a insisté sa présidente, Martine Desjardins. Elle a suggéré une « Commission d'évaluation des universités », dont les deux tiers des membres seraient de la communauté universitaire - étudiants, professeurs, personnel de soutien, administrateurs. Cet «agent de régulation» définirait des indicateurs de qualité de l'enseignement et «garderait un oeil» sur le développement du réseau. Pour la FEUQ, «la prolifération des campus délocalisés démontre que la collaboration entre les établissements laisse à désirer». La fédération veut également que la commission ait le mandat d'analyser la gestion des universités.

La Fédération des professeurs d'université croit aussi en un organisme pour assurer la «cohérence» du réseau universitaire et veiller à son développement. Le Conseil devrait s'assurer que les principes fondateurs des universités, comme la liberté académique, soient préservés. Le président du syndicat, Max Roy, a fait valoir que la qualité de l'enseignement passe notamment par l'embauche de plus de professeurs «réguliers».

La FTQ a également plaidé pour la création d'un organisme indépendant de « coordination du réseau » universitaire. Elle a insisté pour que tous les corps d'emploi y soient représentés.

Sans s'opposer à un nouvel organisme, le Conseil interprofessionnel du Québec et le Conseil du patronat craignent cependant une hausse de la bureaucratie.

L'Association pour la solidarité syndicale étudiante (ASSE) fut le seul groupe clairement contre un nouvel organisme. Le fait d'implanter des «mécanismes d'assurance qualité» peut causer «d'importants dégâts» en imposant un «modèle marchand» à l'éducation, selon elle.

Pierre Duchesne s'est montré favorable en principe à la création d'un organisme public indépendant pour à tout le moins « évaluer de façon neutre la qualité » de l'enseignement. Mais il ne faut pas que ce soit « des dépenses supplémentaires » ou encore une « structure lourde ». Il n'a pas voulu donner plus de précisions. Il a souligné que tous les acteurs s'entendaient pour que le ministre continue d'être « le dernier porteur des décisions ». Pour le reste, « on a le temps de préciser les choses » au fil des autres rencontres. Les prochains thèmes seront plus litigieux, comme le financement et la gouvernance des universités. Pierre Duchesne entend « retravailler » les propositions déposées et présenter différentes « options » au sommet de février. Au lendemain de ce rendez-vous, il y aura des « décisions concrètes » ou encore le lancement d'autres « chantiers de travail ». Chose certaine, il ne veut pas que ça se termine par « un communiqué peut-être un peu trop froid ».