Les écoles privées se retrouvent sur la défensive à la suite des déclarations de la ministre de l'Éducation, Marie Malavoy, qui a jeté un pavé dans la mare en les menaçant de retirer leur financement.

En entrevue à La Presse jeudi, la nouvelle ministre a affirmé qu'une «petite révolution» se prépare dans les écoles privées. Si l'on se fie au souhait de Mme Malavoy, les écoles privées devront cesser de sélectionner leurs élèves si elles veulent continuer de recevoir du financement de Québec. L'État verse actuellement 60% du budget des deux tiers des écoles privées.

Ces propos «sans nuances» surprennent le président de la Fédération des établissements d'enseignement privés (FEPP), Jean-Marc St-Jacques, qui affirme que le privé est prêt à collaborer pour fournir sa part.

Au cours des dernières années, les écoles publiques ont connu une augmentation du nombre d'élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage (EHDAA), ce qui alourdit la tâche des enseignants.

En 2011-2012, le taux de EHDAA était de 20,1% dans le public comparativement à 2,6% dans le privé, indiquent les données du ministère de l'Éducation.

Cette problématique concernant la lourdeur de la tâche se vit surtout dans les écoles secondaires publiques de la métropole qui n'ont pas de volet international ou particulier, fait valoir M. St-Jacques. «Il existe une réalité montréalaise sur laquelle il faut travailler», croit-il.

Dans l'ensemble de la province, 89% des écoles privées n'ont pas de liste d'attente, ce qui signifie qu'elles ne sélectionnent pas leurs élèves, ajoute M. St-Jacques.

De plus, une douzaine d'écoles privées spécialisées accueillent déjà une clientèle EHDAA, souvent dirigée vers elles par les commissions scolaires.

Des travaux sont en cours avec le Ministère depuis quelques années pour augmenter cette contribution. Un rapport a été présenté au gouvernement Charest, mais en raison de la grève étudiante et des élections, il n'y a pas eu de suite.

L'un des problèmes est que les écoles privées n'ont pas accès à l'enveloppe budgétaire allouée par Québec pour financer des services aux élèves en difficulté, déplore M. St-Jacques.

«Ce financement de 1,8 milliard par année n'est pas accessible aux écoles privées», indique Égide Royer, professeur à la faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval et spécialiste des enfants en difficulté.

M. Royer approuve l'idée de demander la contribution du privé, mais souligne que les écoles publiques à vocation particulière doivent aussi être visées. «Toutes les écoles doivent fournir leur part et contribuer à la réussite de tous les élèves, y compris les élèves en difficulté.»

«La carotte et le bâton»

Porte-parole en matière d'enseignement primaire et secondaire, la députée libérale Francine Charbonneau déplore pour sa part l'approche de la ministre, basée «sur la carotte et le bâton».

«Si demain matin, toutes les écoles privées fermaient, le public ne pourrait pas accueillir tous les élèves, il n'y a pas assez de place», indique Mme Charbonneau. Selon elle, il faut plutôt donner du soutien aux enseignants pour les aider à donner de meilleurs services aux élèves qui en ont besoin.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, est d'avis que la prudence s'impose dans ce débat. Les écoles internationales, qui sont dans le réseau public, sélectionnent elles aussi leurs élèves, souligne-t-il.

«Mme Malavoy prend le dossier par le mauvais bout. Il faut regarder pour améliorer les services aux enfants qui ont des difficultés dans les écoles publiques et s'attaquer à ce pourquoi les parents ont perdu confiance dans les écoles publiques. Il ne faut pas faire de nivellement par le bas en s'attaquant aux écoles privées.»

De leur côté, la Confération des syndicats nationaux et la Centrale des syndicats du Québec accueillent favorablement la proposition de la ministre. Elles veulent mettre fin depuis longtemps à la sélection des élèves.