Le début de l'automne est une période de stress intense pour les élèves de 6e année. Dans la cour de récréation, l'imminence des examens d'admission dans les écoles secondaires privées monopolise les conversations. Le soir, une fois les devoirs terminés, les enfants se remettent à la tâche pour préparer les examens. À leurs côtés, leurs parents sont tout aussi angoissés. La course à la performance va-t-elle trop loin?

La pression de réussir et le stress suscité par les examens d'admission dans les écoles secondaires privées ont augmenté au cours des dernières années, au point où certains se questionnent sur leur raison d'être.

Théo Fournier, aujourd'hui en 1ère secondaire, se rappelle fort bien des sentiments qui le tenaillaient à pareille date l'an dernier. Au terme de l'examen d'admission au Collège Letendre, il est sorti du local avec l'impression qu'une «tonne de briques» venait de tomber de ses épaules.

Il avait confiance en lui, mais il a attendu les résultats avec nervosité. «J'avais hâte de recevoir ma réponse, mais, en même temps, je n'avais pas hâte. J'avais peur d'avoir une mauvaise note et devoir vivre avec cela.»

Enfin, il a reçu la grosse enveloppe frappée du logo du collège. «Ce jour-là, c'est comme le jour de Noël. Tu vas déballer un cadeau, mais tu ne sais pas ce que c'est», affirme Théo, qui a finalement été accepté à l'école de son choix.

La pression entourant les examens d'admission a augmenté depuis quelques années, reconnaît la Fédération des établissements d'enseignement privé (FEEP). À tel point que l'organisation cherche des solutions de rechange.

«On essaie de trouver d'autres solutions que ces examens. On pense que la pression est devenue trop forte et qu'il faut la réduire», affirme le président de la FEEP, Jean-Marc St-Jacques, qui ajoute du même coup qu'il faut du temps pour changer une culture bien établie.

Un automne chargé en émotions

Dans les classes de 6e année, le début de l'automne est vécu difficilement. Le stress lié à l'imminence des examens d'admission du privé est omniprésent. C'est le sujet de discussion des enfants dans la cour d'école. Les parents partagent trucs et angoisses à la sortie des classes.

Dans certains quartiers huppés, il est carrément impensable de ne se présenter à aucun examen d'admission. La pression sociale est forte.

«Une amie qui est passée par là avant moi m'avait prévenue de cette ambiance de course à la performance. Ce n'est pas normal pour des gamins de 6e année de vivre autant de stress», déplore Emmanuelle Giraud, dont le fils, Tom, devra bientôt passer trois examens répartis sur deux week-ends.

«J'essaie de ne pas entrer dans l'élitisme et la compétitivité», affirme Mme Giraud, qui reconnaît toutefois vivre du stress. «La pression, je me la mets moi-même.»

Française d'origine, M. Giraud penche pour l'école privée en raison de l'encadrement qu'elle offre aux enfants. Mais des questions persistent: «Parfois, je me dis que, si mon fils va à l'école publique, il aura quand même la matière. Est-ce que la différence va vraiment paraître quand il sera à l'université?»

Professeure et chercheuse au département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal, Diane Marcotte déplore elle aussi la pression exercée sur les enfants. «On a parfois l'impression que cet examen va être déterminant pour le reste de leur vie, dit-elle. C'est totalement faux!»

La société valorise énormément l'excellence, rappelle Mme Marcotte. «Les parents vivent une pression pour que leurs enfants entrent à l'école de leur choix.»

Cette pression, les parents la transmettent à leur tour. «L'enfant veut plaire à ses parents. Il se peut que ces jeunes-là montrent des signes d'anxiété et soient inquiets de ne pas réussir.»

Nathalie Vincent se souvient de la nervosité palpable qui règne le jour de l'examen, alors que des centaines d'élèves sont réunis au même endroit. Elle l'a vécue avec son fils aîné, aujourd'hui en 2e secondaire. Elle se prépare à le vivre de nouveau avec ses jumeaux, qui sont en 6e année.

«J'ai été témoin d'un petit garçon qui avait mal au ventre. Il a dû sortir de la salle et il cherchait ses parents. Je me suis alors demandé ce qu'on faisait là, à leur faire subir tout cela. Mais aujourd'hui, Samuel est heureux et ne regrette pas son choix.»

Pour réduire le stress, neuf collèges de l'île de Montréal se sont concertés, il y a quelques années déjà, pour ne faire passer qu'un seul et même examen. D'autres régions font de même. Certaines écoles ont aussi abandonné les examens d'admission et se limitent maintenant à des tests de classement.

«L'objectif n'est pas de rendre les enfants malheureux, mais de les amener à donner le meilleur d'eux-mêmes à partir de choses qu'ils connaissent», précise d'ailleurs Josée Lambert-Chan, directrice du service de mesure et d'évaluation de la firme Brisson-Legris, qui conçoit et corrige les examens de plusieurs écoles privées.

Les examens ne sont pas les seuls éléments pris en compte en vue de l'admission des élèves. Les écoles s'attardent surtout aux bulletins antérieurs, question de voir le profil de l'enfant.

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En chiffres

76,4% des élèves qui ont passé un examen d'admission à une école secondaire privée ont été admis.*

1/5 a été refusé, faute de place.*

3,1% ont été refusés parce que les écoles n'avaient pas les ressources pour eux (élèves en difficulté, besoins particuliers, etc.).

85% des écoles secondaires privées n'ont pas de liste d'attente, selon la Fédération des établissements d'enseignement privés.

50$ Coût moyen d'un examen d'admission. Les élèves en passent jusqu'à trois ou quatre.

162 Nombre d'écoles secondaires privées au Québec.**

88 776 élèves, soit 19,6% des élèves du secondaire, fréquentent une école privée.

* Selon un sondage mené en 2010 par la Fédération des établissements d'enseignement privés.

** ministère de l'Éducation, 2011