L'automne 2010 est une saison noire pour les jeunes Britanniques. Indignés par le projet controversé de David Cameron de tripler les droits de scolarité, ils prennent d'assaut les rues des grandes villes britanniques, semaine après semaine.

Les marches étudiantes sont d'une rare ampleur et les coups d'éclat, nombreux.

Rien n'y fait. Le 9 décembre 2010, les élus votent pour le projet de loi alors que des bancs sont incendiés et des statues défigurées devant le parlement.

La rentrée tant redoutée est arrivée. Les prochains inscrits aux universités britanniques seront happés par des droits annuels de 14 000$ (9000 livres sterling) à l'automne 2012.

La grande majorité des institutions ont imposé les droits maximum, saignées à blanc par l'État qui retirera 4,6 milliards de dollars de subventions d'ici à 2015.

Entre mythe et réalité

À la surprise générale, les universités n'ont pas été boudées par les aspirants bacheliers. En vérité, les premiers chiffres disponibles depuis la mi-janvier, date limite d'inscription, déboulonnent des mythes. Les universités ont reçu 462 507 demandes d'admission, soit 8,7% de moins que l'année dernière. Rien à voir avec l'hécatombe prédite par certains experts.

En outre, cette baisse est moins importante qu'il n'y paraît. D'une part, elle s'explique par le fait qu'en 2011, un nombre record d'étudiants se sont disputé les 400 000 places d'admission pour éviter l'explosion des droits. D'autre part, la population des élèves de dernière année des A levels, l'équivalent du cégep, a légèrement décliné de 1,4%.

«Quand on élimine ces facteurs, la diminution réelle se rapproche davantage de 2% ou 3%», explique Jonathan Clifton, chercheur au groupe de réflexion Institute for Public Policy Research.

Autre statistique étonnante: la hausse des droits a repoussé moins d'élèves issus de milieux défavorisés que leurs collègues plus fortunés, soit 0,2% contre 2,5%.

Étudier maintenant, payer plus tard

La raison pourrait être plus simple qu'il n'y paraît. Les étudiants britanniques n'ont pas à payer d'avance leurs droits d'université. L'État le fait pour eux. Les diplômés sont obligés de rembourser leurs études seulement une fois qu'ils touchent un salaire de 21 000 livres sterling (33 000$). Le taux d'intérêt sur le prêt augmente en même temps que le salaire pour s'établir à 3%, plus le taux d'inflation.

«C'est un système plus juste pour les gens à faible revenu parce qu'ils paient seulement quand ils en ont les moyens. Mais cela signifie qu'ils seront endettés probablement jusque dans la quarantaine, sinon la cinquantaine», explique à La Presse Jonathan Clifton.

À l'heure où 1 million de jeunes Britanniques de 16 à 24 ans sont au chômage, le gouvernement devrait investir davantage dans leur éducation, croit Michael Chessum, militant contre la hausse des droits de scolarité. «Quitter l'université avec une dette de 80 000$ est une perspective terrifiante quand il y a si peu d'emplois sur le marché du travail», rappelle M. Chessum, 22 ans.

Or, si la tendance se maintient, les universités britanniques seront un jour entièrement privées. La contribution des étudiants aux budgets de leur alma mater sera de 80% en 2015, tandis qu'elle était de 25% en 1998. Cette proportion est de 12,7% au Québec.

Mais ils n'ont pas jeté l'éponge, si on en croit Michael Chessum. «Nous avons des manifestations prévues ce mois-ci. C'est loin d'être terminé.»