Àmoins de commettre un crime grave, un enseignant «moyen» peut poursuivre toute sa carrière sans acquérir de nouvelles qualifications ni être inquiété outre mesure par la direction de son école.

«Une fois que tu as ta permanence, si tu ne frappes ni n'agresses personne sexuellement, tu as un ticket pour 30 ans. C'est scandaleux», martèle Jean-François Roberge, enseignant de la Rive-Sud.

C'est une caricature. Mais comme parent d'élève lui-même, M. Roberge se dit parfois inquiet de voir que certains enseignants ne font que le minimum et restent dans la profession par habitude, pour les deux mois de vacances. Ils suivent seulement les formations obligatoires et sont souvent des éteignoirs face aux enseignants novateurs et dynamiques.

Dans le débat sur l'évaluation des enseignants, plusieurs soulèvent l'idée d'un ordre professionnel. Une proposition qui plaît à M. Roberge. Un ordre des enseignants pourrait encadrer la profession, assurer une formation professionnelle continue et appliquer des mesures disciplinaires, si nécessaires.

Congédiements et plaintes

L'an dernier, 24 enseignants ont été congédiés au Québec, révèlent des données obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Seul un motif grave justifie une telle décision. Un enseignant a ainsi été congédié pour inconduite sexuelle parce qu'il avait établi une relation inappropriée avec une élève. Un autre avait des antécédents judiciaires de possession de stupéfiants.

Les autres congédiements sont survenus après une rupture de contrat; par exemple, des enseignants qui ont choisi, en raison d'une maladie ou d'un retour aux études notamment, de ne pas reprendre la charge de leur classe.

Concernant la compétence ou le travail d'un enseignant, le ministère de l'Éducation a aussi reçu 25 plaintes entre 2006 et 2010. Une quinzaine ont été jugées recevables.

Ces plaintes dénonçaient l'attitude ou le comportement d'un enseignant: incapacité professionnelle et incompétence, abus de pouvoir, méthode éducative jugée humiliante.

La majorité des plaintes sont toutefois gérées par les commissions scolaires. Il est difficile de connaître les mesures disciplinaires prises puisque la plupart des commissions scolaires refusent de divulguer l'information, affirmant qu'elles ne tiennent pas de registres sur cette question.

C'est donc pour favoriser la reddition de comptes que certains avancent l'idée de créer un ordre professionnel.

Ancien directeur d'école, aujourd'hui spécialiste des nouvelles technologies, Mario Asselin prône publiquement cette idée. «Actuellement, les standards du syndicat et les règles du jeu du syndicalisme vont toujours faire en sorte qu'on ne pourra pas gérer l'incompétence», croit-il.

Les syndicats ne partagent pas cette vision. «Le débat a été fait», rappelle la présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE), Manon Bernard.

De fait, l'Office des professions a déposé un avis sur la question en décembre 2002, concluant que la création d'un ordre n'était pas nécessaire. Elle reconnaissait toutefois que certains mécanismes d'inspections professionnelles pourraient «orienter les efforts d'amélioration» et représenter une plus-value pour la profession enseignante.

Pendant la campagne électorale de 2003, les libéraux s'étaient engagés à créer un ordre professionnel, avant de reculer face au tollé soulevé chez les enseignants.

«Un ordre professionnel est une vieille solution dépassée au contexte actuel», croit pour sa part François Guité, enseignant de l'école Rochebelle, à Québec, et consultant pour le ministère de l'Éducation.

«On est à l'ère des réseaux sociaux. Il faut développer de nouvelles méthodes, de nouvelles approches plus porteuses et collectives.»

Avec la collaboration de William Leclerc