Les instituts Confucius - sorte de centres culturels chinois - se multiplient à un rythme effarant. Au Québec, l'Université de Sherbrooke et le collège Dawson ont accepté de s'y associer.

La croissance des instituts Confucius - chargés de promouvoir la langue et la culture chinoise dans le monde - est pour le moins impressionnante. Entre 2004 et 2009, la Chine a inauguré 282 instituts Confucius et 272 «classes» Confucius dans 88 pays. En 2020, elle compte en avoir près de 1000!

 

À titre de comparaison, l'Allemagne, qui a ouvert son premier institut Goethe en 1951, en compte aujourd'hui 136.

Les instituts, qui misent sur la langue et la culture, sont aussi une manière pour la Chine d'exercer un «pouvoir doux» (soft power), une sorte de «diplomatie du sourire», pour faire valoir sa place sur la scène internationale, précise Meng Rong, directrice de l'institut Confucius de Montréal.

Ouvert en 2007, ce dernier occupe au rez-de-chaussée du collège Dawson une unique pièce décorée de calligraphie chinoise et remplie de manuels scolaires. Seule une plaque dorée à l'entrée lui donne un petit air officiel.

Il reste que l'institut Confucius rayonne plus largement grâce à son partenariat avec l'Université de Sherbrooke et le collège Dawson. En effet, contrairement à l'Alliance française ou à l'institut Goethe, qui fonctionnent de manière autonome, les instituts Confucius travaillent en partenariat avec des établissements scolaires.

Ce sont ces partenariats qui ont semé la controverse jusqu'à présent, car plusieurs universités refusent de s'associer à un organisme pensé et financé par le Parti communiste chinois. L'Université Harvard, aux États-Unis, a ainsi refusé d'accepter les largesses de la Chine, de peur de perdre un peu de son indépendance.

Et Harvard n'est pas seule. «À l'origine, la Chine avait offert l'institut Confucius à l'Université de Montréal et à McGill», précise David Ownby, professeur et membre du réputé Centre d'études de l'Asie de l'Est de l'Université de Montréal. McGill et l'UdeM ont préféré passer leur tour.

David Ownby se souvient qu'à l'UdeM, la question de l'indépendance universitaire avait aussi été au coeur des discussions.

À l'Université de Sherbrooke, le vice-recteur associé Mario Laforest ne voit pratiquement que des bénéfices dans le partenariat qui lie son institution à l'institut Confucius de Montréal. «Nous avons une indépendance totale», précise-t-il. La grande différence? Son université a accès à un bassin de ressources et d'expertises beaucoup plus important, assure-t-il.

Du côté financier, l'entente est également bienvenue en temps de restrictions budgétaires, dit-il. Les fonds et le matériel didactique fournis par Hanban sont autant d'économies réalisées par «le contribuable québécois», se félicite le vice-recteur.

Mais preuve que tout ce qui touche la Chine reste encore un sujet délicat, la directrice de l'institut Confucius de Montréal a expliqué à La Presse qu'elle avait reçu à au moins trois reprises la visite des services secrets canadiens (SCRS). «Je pense que le gouvernement canadien croyait que nous étions une grande organisation», dit Meng Rong en riant.

Le SCRS a même rédigé sur la question un rapport dans lequel il dit que, après les Jeux olympiques de Pékin, les instituts Confucius devraient «prendre une place plus proéminente dans les efforts de la Chine pour accroître sa stature dans le monde».

Mais cela n'est guère un secret. Selon l'hebdomadaire The Economist, Li Changchun, un des principaux dirigeants du Parti communiste chinois, a déjà décrit les instituts comme «une part importante du dispositif de propagande de la Chine à l'étranger». Le plus ironique, c'est que Mao considérait Confucius comme un symbole rétrograde du conservatisme chinois.

Dans le monde, le budget de l'ensemble des instituts (financés à parts égales par le gouvernement chinois et par les partenaires des pays d'accueil) s'élevait à 119 millions de dollars américains en 2009, soit 400 000$ en moyenne par institut, selon Hanban.