Jean-François Drouin est directeur de l'école primaire des Côteaux, un village près de Valleyfield. Son message au ministère de l'Éducation? «Laissez-nous décider de ce qu'on doit faire dans nos milieux, a-t-il dit en entrevue avec La Presse. Ce n'est pas vrai qu'en Gaspésie on va assurer la réussite des élèves avec les mêmes moyens que dans l'ouest de l'île de Montréal ou ici.»

Directeur depuis 10 ans, M. Drouin dit que les initiatives mises sur pied par des équipes-écoles «fonctionnent toujours». Au contraire, «lorsque les moyens arrivent du palier supérieur, ou même très supérieur quand on parle du ministère de l'Éducation, ça a tendance à être moins efficace», a-t-il affirmé.

 

Son école, Léopold-Carrière, a lancé plusieurs projets: c'est une école verte (les enfants y font du compost), participant au projet Vers le pacifique, axée sur le sport et la saine alimentation. «Et ça a été fait avant que le gouvernement ne l'impose», a-t-il précisé.

Ce qui pourrait aider M. Drouin à mieux faire son travail? «Qu'on arrête d'avoir des enveloppes budgétaires du gouvernement qui sont fermées et dédiées, a-t-il demandé. Laissons à l'école la chance d'innover avec son budget.»

Budget trop rigide

Son école reçoit 10$ par élève pour acheter des livres de bibliothèque, un total de 4850$ par an. Impossible de prendre cet argent pour acheter des dictionnaires ou des grammaires: l'enveloppe est réservée aux livres de bibliothèque. Même chose pour le budget d'informatique. Il est interdit de le dépenser ailleurs que pour des ordinateurs. «Si j'avais cet argent-là pour bâtir d'autres activités, ça me laisserait plus de latitude», a dit M. Drouin.

Le directeur rêve notamment d'embaucher des animateurs pour organiser du sport le midi, sans frais pour les parents. «Mais là, on rêve moins, parce qu'on est pris avec des budgets trop rigides pour le faire», a-t-il indiqué.

À l'école de 7h30 à 16h30, «avec 10 minutes pour dîner», M. Drouin doit remplir «beaucoup de paperasse», tel que dénoncé par le Collectif pour l'éducation (voir autre texte). «Juste un exemple: on doit remplir un document sur la violence de 47 pages, a-t-il dit. C'est du temps qu'on n'a pas pour nos élèves et pour le personnel, pour faire avancer les choses au niveau pédagogique.»

»Arrêtez de nous dire quoi faire»

M. Drouin craint que les «commandes d'en haut», qui se multiplient, ne démotivent ses troupes. «Quand le ministère de l'Éducation arrive avec ses 23 moyens pour améliorer le français, le personnel dit: Comme si on ne savait pas comment faire! Ils ont l'impression qu'on leur dit qu'ils ne savent pas enseigner. Qu'ils ne sont plus des professionnels, mais des exécutants. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne façon de favoriser la profession.»

Évidemment, Québec a un rôle à jouer dans l'éducation. «Donner les grandes orientations nationales, c'est correct, a dit le directeur. Mais arrêtez de nous dire quoi faire. On va le trouver, quoi faire!»