Au Sports Experts de la Place du Royaume, à Chicoutimi, Danielle D. Tremblay a déjà freiné des jeunes employés qui voulaient abandonner leurs études pour travailler à temps plein dans son magasin. «On les a avertis: on ne te prend pas à temps plein. On te garde à temps partiel, on ne veut absolument pas que tu lâches l'école.»

Pourtant, Mme Tremblay n'a pas trop de bras pour l'aider à vendre ses équipements sportifs. Le roulement des employés est élevé. La plupart de ses employés sont des étudiants et l'entreprise dit vouloir s'adapter à leurs besoins. «Certains ne peuvent travailler que 8 heures par semaine. D'autres peuvent prendre 20 heures.» Le plus difficile reste évidemment le mois de décembre, où les employés sont coincés dans leurs examens alors que les magasins sont pleins...

 

L'engagement pris par les propriétaires de la succursale saguenéenne est un exemple concret de ce que Michel Perron, professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi et cofondateur du Conseil régional de prévention de l'abandon scolaire (CREPAS), veut dire par une participation de toute la société à la lutte contre le décrochage scolaire.

En 2005, le commerce de Mme Tremblay a obtenu la Mention d'honneur en conciliation études-travail, décernée par le CREPAS. Quelque 85 employeurs de la région, dont plusieurs supermarchés, quincailleries et restaurants, ont obtenu du CREPAS une certification études-travail qui atteste le souci qu'ils portent aux études de leurs employés.

En plus de talonner les employeurs pour qu'ils s'impliquent dans la lutte, le CREPAS s'arrange pour que la persévérance scolaire - «pas seulement la réussite scolaire», précise M. Perron - soit encouragée. Une semaine de la persévérance scolaire a d'ailleurs lieu chaque hiver, au moment où, statistiquement, les jeunes sont davantage tentés de balancer leurs manuels. Des capsules sont diffusées à la télé. Les parents sont aussi mis dans le coup. On les incite à encourager, chaque jour, leurs enfants dans leurs études.

La mobilisation a porté fruits. En 1991, le taux d'obtention de diplôme au Saguenay était de 66%, le même que la moyenne québécoise. En 2008, 12 ans après la formation du CREPAS, il atteint 76%, soit cinq points au dessus de la moyenne québécoise.

Des outils qui fonctionnent

«Michel Perron, c'est comme s'il avait découvert le remède infaillible contre le cancer, mais c'est contre le décrochage», dit l'économiste Pierre Fortin, de l'UQAM. «Allons de l'avant puisque ça marche!»

Éric Lamarre, de la firme McKinsey, l'a dit et répété en conférence de presse: il ne s'agit pas de réinventer la roue. Des programmes existent et ont fait leurs preuves, comme le CREPAS au Saguenay.

En Ontario, la mobilisation générale depuis 2003 commence aussi à faire effet. En cinq ans, le taux d'obtention de diplôme est passé de 68% à 77% dans la province. Le gouvernement ontarien vise atteindre un taux de 85% avec la cohorte de 2010-2011. Et il a pris les grands moyens pour y arriver: un grand nombre de programmes pour garder les jeunes à l'école et un budget de 1,3 milliard sur sept ans.

L'une des initiatives les plus spectaculaires est Pathways to Education, implanté en 2001 dans le quartier défavorisé de Regent Park à Toronto. Le programme fournit notamment les services d'un conseiller lié aux parents et à l'élève, de l'aide aux devoirs et une aide financière pour les fournitures scolaires. Le taux de décrochage dans Regent Park est passé de 56% en 1999 à 8% en 2007.