Tout en se montrant bon joueur, le Collège des Médecins du Québec déplore la façon «cavalière» dont l'Ordre des pharmaciens du Québec procède pour obtenir des pouvoirs accrus auprès de sa clientèle. Dans un communiqué diffusé en fin d'après-midi, hier, le Collège reproche aux pharmaciens d'avoir préparé un projet de loi sans le «consulter et en contournant» le comité où siègent les deux ordres professionnels.

Il y a quelques semaines, l'Ordre des pharmaciens a demandé au gouvernement de modifier la loi pour permettre l'adaptation d'une ordonnance dans certaines situations, d'administrer un médicament, de prescrire et d'interpréter des analyses en laboratoire, et de prendre en charge certains problèmes de santé. Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, s'est déjà montré ouvert aux demandes des pharmaciens, mais selon nos informations, il aurait demandé aux pharmaciens de s'entendre tout d'abord avec le Collège des médecins du Québec.

Entente partielle

Le Collège explique donc qu'il appuie «depuis longtemps» les deux premières demandes de l'Ordre des pharmaciens du Québec, à savoir celles concernant les ordonnances et médicaments, et «ne voit pas d'inconvénient à adopter des dispositions législatives pour les permettre.» Mais les négociations achoppent au sujet des tests en laboratoire et du traitement de certaines maladies. À ce sujet, on explique que les mécanismes d'assurance qualité des examens devront être précisés, surtout si c'est le pharmacien lui-même, en dehors d'un hôpital, qui effectue l'analyse.

Quant à la dernière demande, le Collège estime qu'elle nécessite des discussions additionnelles puisque la proposition actuelle de l'Ordre des pharmaciens du Québec «repose dans tous les cas sur l'autodiagnostic du patient». On ajoute qu'il y a une ouverture pour les produits favorisant la cessation tabagique ou l'administration d'acide folique aux femmes enceintes. Mais le Collège ne manque pas de souligner qu'en s'immisçant dans le champ diagnostique et du traitement, «le pharmacien sort de son niveau de formation et se place en situation potentielle de conflit d'intérêts.»

Le président du Collège Dr Charles Bernard, appuyé par ses collègues, estime enfin qu'il n'y a pas d'urgence à adopter un projet de loi. Selon lui, des dispositions similaires dans d'autres provinces n'ont pas eu les effets escomptés sur l'accès aux soins de première ligne.

Cette sortie du Collège coïncide avec celle du Parti québécois, cette semaine, qui s'est prononcé en faveur des demandes des pharmaciens. Le dossier devient une «patate chaude» qui risque de soulever la colère des pharmaciens, et de retomber dans les mains du ministre.