Un avocat d'Amnistie internationale soutient que la police militaire canadienne ne voulait pas poser de questions «embarrassantes» aux autorités afghanes concernant la présumée torture de détenus dans leurs prisons.

Paul Champ a mis fin mercredi à Ottawa à la plaidoirie du groupe de défense des droits de la personne devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, qui tente de déterminer ce que l'armée canadienne savait - ou ce qu'elle aurait dû savoir - sur les cas d'abus qui auraient pu survenir dans les prisons afghanes.

Me Champ a soutenu que les preuves déjà déposées à la commission démontrent que les policiers militaires ont été exclus du processus décisionnel des officiers supérieurs, en plus d'être maintenus dans l'ignorance en ce qui concerne le transfert des prisonniers.

«Nous pouvons conclure que les policiers militaires étaient non seulement exclus de la chaîne de commandement, mais ce qui est primordial pour ce que vous allez être appelés à déterminer, c'est que les policiers militaires eux-mêmes sentaient qu'il y avait des questions qu'ils ne devraient pas poser, des choses qui pouvaient incommoder ou déranger», a dit Me Champ aux commissaires. «Leur devoir les obligeait pourtant à en faire davantage.»

Dans son plaidoyer final, l'avocate du ministère de la Justice, Elizabeth Richards, a prié la commission de ne pas se laisser influencer par la rumeur ou par le débat émotivement et politiquement chargé du transfert des détenus afghans.

Elle a également rappelé à la commission que son mandat était très précis. «Il ne s'agit pas d'une enquête publique, a-t-elle déclaré. Il s'agit d'une plainte ayant trait à des allégations très précises concernant certains membres de la police militaire.»

«Il n'est pas de votre ressort de résoudre des questions politiques, et il n'est pas non plus de votre ressort de juger la conduite du gouvernement canadien ou des officiers supérieurs de la police militaire.

«Votre travail est d'éclaircir de façon juste et impartiale les allégations très sérieuses qui ont été faites à l'endroit de huit policiers militaires qui font l'objet de cette plainte», a plaidé Me Richards.

Amnistie internationale et l'Association des droits civils de la Colombie-Britannique mènent depuis longtemps une bataille judiciaire afin de faire cesser une pratique des Forces armées canadiennes qui consiste à transférer les présumés combattants talibans aux services de renseignements afghans, de sinistre réputation.

Me Champ estime que la police militaire doit ouvrir une enquête formelle puisqu'il y a eu suffisamment d'avertissements et de «soupçons» sur des cas de torture de détenus en Afghanistan.

En vertu du droit international, l'armée canadienne ne peut transférer des prisonniers à des pays où ils risquent d'être soumis à la torture.