Il y a eu ces années où il n'y en a eu que pour le réchauffement climatique. Il y a eu 2008, aussi, où on a causé accommodements raisonnables jusqu'à plus soif. Puis 2010 aura été, pour reprendre le lapsus de Jean Charest, l'année de «l'industrie de la corruption». Que nous réserve 2011?

QUATRE GRANDS POINTS D'INTERROGATION

Les grands projets > Combien coûteront-ils au juste?

En 2007, l'échangeur Turcot devait coûter 1,5 milliard de dollars. La facture sera finalement d'au moins 3 milliards - et c'est sans parler de ce qui devra être fait pour préserver les couleuvres brunes! Le CHUM? De 1,2 milliard au départ, la facture est passée à 2,089 milliards, et il serait hasardeux d'avancer que ce chiffre est définitif, d'autant plus que les poursuites commencent déjà à tomber. En octobre, des architectes et des experts en génie-conseil en ont intenté deux, totalisant 47 millions. Ils reprochent au CHUM de ne pas avoir respecté les conventions de service. Bonjour les frais d'avocats! On continue par ailleurs de suivre pour vous l'évolution de la note pour la route 175, dans la réserve faunique des Laurentides, qui devait coûter 700 millions. Aux dernières nouvelles, on en était à 1,1 milliard.

Gaz de schiste > Impact environnemental et retombées

Un peu partout dans les basses terres du Saint-Laurent, des citoyens, des agriculteurs et des maires ont appris avec stupeur que des entreprises d'ici et d'ailleurs, en pleine exploration du gaz de schiste, foraient dans leur arrière-cour pour 100$ le puits (comparativement à plus de 10 000$ en Colombie-Britannique). Le gouvernement refuse tout moratoire et, en juin, André Caillé a même avancé que, à partir de 2015, on pourrait forer jusqu'à 300 puits par année au Québec. En novembre, trois directions de la santé publique ont invité le gouvernement à la prudence. Pendant ce temps, la ville de Pittsburgh, aux États-Unis, a adopté à l'unanimité un règlement qui interdit la prospection de gaz de schiste sur son territoire. Les grandes questions: quelles sont les conséquences de cette industrie sur la nappe phréatique? Combien d'emplois peut-elle créer? Nous assure-t-elle l'autonomie gazière au bout du compte? Les redevances, qui se situent à 12,5%, seront-elles augmentées? De combien? Toutes ces questions se sont posées devant le BAPE, qui a reçu 200 mémoires et qui doit remettre son rapport au gouvernement le 28 février.

Droits de scolarité > Quelle «juste part» pour les étudiants?

S'il n'en tenait qu'aux recteurs, les droits de scolarité seraient augmentés de 506$ par an, ce qui les ferait passer à 3680$ par année en 2014-2015. En 2002, la Conférence des recteurs et des principaux d'université du Québec (CREPUQ) avait chiffré à 375 millions de dollars le sous-financement de nos universités par rapport à celles du reste du Canada. Aujourd'hui, la CREPUQ parle de 620 millions, une évaluation que la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, juge exagérée. Ni elle ni le ministre Raymond Bachand, en décembre, n'ont cependant dit combien il manque aux universités. Et si les droits de scolarité sont haussés, où ira l'argent? Dans le béton? Dans l'embauche de professeurs supplémentaires pour alléger des classes surchargées au possible? Jusqu'à quel point le gouvernement veillera-t-il à ce que les fonds supplémentaires aillent au bon endroit?

Conjoints de fait > Sur quel pied danser?

Les conjoints de fait pourront-ils demander une pension alimentaire pour eux-mêmes en cas de séparation, finalement? Le suspense demeure, alors que le gouvernement du Québec a décidé de porter l'affaire en Cour suprême. En novembre, 1,2 million de conjoints de fait, au Québec, ont appris avec stupeur qu'ils pourraient devoir payer une pension à leur ex. La Cour d'appel s'est ainsi rendue aux arguments de la colorée avocate Anne-France Goldwater, qui estime que ce qui est bon pour les couples mariés devrait l'être aussi pour les autres et que, donc, en l'état, il y a discrimination.



QUATRE PERSONNALITÉS À SUIVRE

(À part les incontournables que sont Jean Charest, Stephen Harper, Gérald Tremblay et compagnie)

Tony Accurso

L'homme qui ne parle pas dont on a le plus entendu parler en 2009 et en 2010.

Qui s'y frotte s'y pique: parlez-en à Benoit Labonté, dont les liens avec le magnat de la construction a entraîné la chute, ou alors à tous ceux qui ont séjourné sur son yacht, de Michel Arsenault, président de la FTQ, à Frank Zampino, ancien président du comité exécutif de Montréal, en passant par Richard Marcotte, maire de Mascouche, pour n'en nommer que quelques-uns. Fin 2010, voilà que des employés de l'Agence du revenu du Canada - et toute l'Agence avec eux - sont soupçonnés d'avoir participé au stratagème qui a permis aux entreprises d'Accurso de frauder le fisc pour 4,1 millions. Faute de le voir comparaître à Québec à une enquête sur la corruption dans la construction, il pourrait, s'il n'en tient qu'au Bloc québécois, devoir rendre des comptes au comité parlementaire des finances. Ensemble, Desjardins, le Fonds FTQ et la Caisse de dépôt réclament 61 millions de dollars au total en argent prêté à l'une ou l'autre de ses entreprises. Pour Tony Accurso, cette année, ça passe ou ça casse: ses entreprises conserveront-elles leur licence de constructeur?

Régis Labeaume, maire de Québec

En début de règne, surfant sur les subventions dévolues pour le 400e anniversaire, il était tout feu tout flamme. Sa propension à envoyer promener tout un chacun lui a attiré autant d'électeurs en mal de franc-parler qu'il lui amène maintenant quelques ennemis. «Elle est stupide, ta question», a-t-il lancé à une conseillère indépendante qui a publiquement dénoncé le maire. Las d'être traité «comme une plante verte», le conseiller Jean Guilbault a fait défection. Et c'est sans parler de ses altercations avec les journalistes. Le salut de Labeaume tient maintenant tout entier dans le Colisée, qui sera sa grande défaite ou sa consécration.

Marc Parent, nouveau directeur du Service de police de la Ville de Montréal

Homme de terrain très apprécié de ses troupes pour le grand respect dont il fait montre, il s'est notamment intéressé au rapprochement communautaire - un dossier qui lui a valu de réels succès dans Saint-Michel -, à l'usage éthique de la force et à la lutte contre le profilage racial. L'un de ses premiers gestes a été de recentrer les priorités du SPVM et de mettre un frein à la commercialisation de certains services, quitte à perdre quelques revenus au change. Parmi ses préoccupations: la violence conjugale. «On l'oublie, mais elle représente 30% des crimes contre la personne», a-t-il souligné lors d'une conférence de presse, plus tôt en décembre.

François Legault

Il s'active dans les coulisses, il est à peu près invisible et, pourtant, dans un sondage publié dans Le Devoir à la mi-décembre, 42% des répondants le sacrent personnalité politique de l'année! François Legault lui-même se prédit «une grosse année 2011». Il entend publier son manifeste dans le courant de l'année et assure que le noyau dur de son groupe compte une quinzaine de personnes. Même s'il ne parle toujours que d'un «groupe de réflexion» et qu'il tente de calmer les attentes quant à la formation d'un parti politique, l'ADQ l'a bel et bien dans sa mire.

Photo: André Pichette, Archives La Presse

Tony Accurso

QUATRE RAISONS D'ESPÉRER

Schiste > La conscience sociale et environnementale à la hausse

À Terrebonne et à Mascouche, ils ont été des dizaines à se déplacer pour dire leur façon de penser à leur maire éclaboussé par des allégations de conflit d'intérêts. Par ailleurs, un peu partout dans la vallée du Saint-Laurent, des centaines de personnes ont participé à des assemblées pour dénoncer le fait que l'on se soit lancé en douce dans la prospection du gaz de schiste sans qu'elles aient leur mot à dire.

Ouverture > Les Québécois ne sont pas si racistes que cela, finalement!

Les témoignages entendus à la commission Bouchard-Taylor avaient fait passer le Québécois moyen pour un xénophobe fini, replié sur lui-même. Mais voilà qu'un sondage Angus Reid réalisé sur l'internet en septembre donne un tout autre son de cloche. De tout le Canada, ce serait au Québec que l'on trouverait le moins de personnes hostiles à l'immigration. Eh bien, eh bien!

Pollution > Le Québec réduit ses émissions de gaz à effet de serre

Selon le dernier inventaire québécois des gaz à effet de serre, dévoilé plus tôt ce mois-ci, les émissions ont diminué de 5% par rapport à l'année précédente. Mais, surtout, elles sont passées sous la barre mythique de 1990 pour la première fois depuis 2001. Le Québec ne s'arrête pas là: il fait aussi partie des quatre provinces signataires de la Western Climate Initiative, qui, par son marché du carbone, vise une réduction de 15% des émissions de gaz à effet de serre en 2020.

Économie et chômage > Le Canada et le Québec s'en tirent bien

Le Canada a été frappé nettement moins durement par la récession que les États-Unis et les pays européens. Le marché immobilier a tenu le coup, le marché bancaire a résisté et l'emploi aussi. Au Québec, le nombre d'emplois a augmenté de 78 000, en hausse de 2% par rapport à il y a un an. Le taux de chômage s'établit à environ 7,9%, comparativement à 8,2% pour l'Ontario. S'ils ont fait rager les automobilistes, les travaux d'infrastructures ont peut-être aidé à ce que notre économie ne sombre pas.

Photo: Ève Guillemette, Archives Le Nouvelliste

Des opposants au gaz de schiste ont manifesté lors des audiences du BAPE, à Bécancour.