Revenu Québec affirme avoir démantelé un véritable réseau de fraude fiscale sur mesure, capable de produire de faux documents selon les besoins de ses clients.

Le ministère du Revenu et la Sûreté du Québec ont fait des perquisitions à 44 endroits différents dans les régions de Montréal, Laval, Laurentides-Lanaudière et la Montérégie. Les perquisitions de mercredi visaient le groupe de Pierre Champagne, actif dans le secteur de la construction, tandis que celles de jeudi ont touché essentiellement l'organisation de Bernard Ratelle, plus diversifiée.

Selon l'enquête, le groupe Ratelle a mené ses affaires par l'entremise de 515 entreprises depuis 1994. Avec les pénalités et les intérêts, ces entreprises doivent plus de 118 millions de dollars à Revenu Québec, selon une requête produite en Cour supérieure, hier.

Centre d'affaires St-Denis

Les principales adresses connues du groupe Ratelle se trouvent à Montréal, notamment le 8552, rue Saint-Denis, où loge le Centre d'affaires St-Denis. Au téléphone, hier en fin d'après-midi, l'employé qui a répondu à La Presse n'a pas voulu faire de commentaire ni se nommer. Il n'a pas non plus voulu nous transmettre les noms des avocats du Centre qui s'occupent du dossier.

À la tête du groupe se trouvent Bernard Ratelle et sa soeur Suzanne, mais également le fils de M. Ratelle, Xavier, selon Revenu Québec. Plusieurs autres individus gravitaient aussi autour de l'organisation à titre d'employés ou de prête-noms.

Le groupe offrait une véritable brochette de services sur mesure à ses clients pour frauder le fisc, soutient la requête. En plus de vendre des factures de complaisance, le réseau offrait de faux relevés d'emploi et de fausses déclarations de revenus. Le groupe a aussi un centre d'encaissement favorisant la circulation d'argent comptant ainsi qu'une agence de location de personnel... mais sans personnel.

En plus des 118 millions, le fisc réclame 9,1 millions de dollars à Xavier, Bernard et Suzanne Ratelle à titre personnel. Depuis le mois de janvier, Bernard purge une peine d'emprisonnement de 18 mois pour une autre fraude fiscale. Son fils Xavier et sa soeur Suzanne font partie des 14 personnes arrêtées par la SQ mercredi.

Spam et paradis fiscal

Xavier Ratelle n'en est pas à ses premiers problèmes avec les autorités. En 2009, un tribunal de l'Illinois, aux États-Unis, l'a condamné avec des complices à verser 3,7 millions de dollars américains pour avoir envoyé des messages électroniques illégaux (spam) à l'échelle internationale.

Ces messages vantaient des produits censés réduire le poids ou renverser le processus de vieillissement. Dans cette affaire, Xavier Ratelle avait un complice aux États-Unis et un en Australie, notamment. L'une des entreprises était constituée dans le paradis fiscal de Saint-Christophe-et-Niévès (St. Kitts and Nevis).

Jeudi, Revenu Québec a saisi les biens de Xavier Ratelle, notamment sa voiture Honda S2000, sa propriété à Wentworth-Nord et ses comptes bancaires.

Mercredi, la rafle avait touché principalement Pierre Champagne. Contrairement au groupe Ratelle, plus diversifié, le groupe de Pierre Champagne faisait principalement affaire dans le secteur de la construction, soutient le fisc.

Avec l'aide du groupe Ratelle, Pierre Champagne et son équipe auraient produit de fausses factures totalisant 27 millions de dollars. Avec ces factures, des entrepreneurs en construction obtenaient de l'argent comptant dont ils se servaient notamment pour payer des travailleurs au noir, explique le fisc. Dans ce dossier, les réclamations de Revenu Québec pourraient avoisiner les 10 millions.