Le candidat controversé désigné pour reprendre la barre de Droits et Démocratie avait déposé un mémoire à la Commission Bouchard-Taylor dans lequel il faisait le lien entre une immigration musulmane croissante et les menaces terroristes au Québec.

Le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, n'a pas encore confirmé officiellement la candidature de Gérard Latulippe au poste de président de Droits et Démocratie, mais les écrits récents de cet ex-militant de l'Alliance canadienne en font sourciller plus d'un.

Dans son mémoire déposé à titre de directeur résident du National Democratic Institute au Maroc, M. Latulippe avançait que la concentration des nouveaux arrivants à Montréal, de même que la «concentration géographique de plus en plus importante de l'immigration en provenance de pays musulmans», nuisent au «bon fonctionnement de la société québécoise».

Il poussait la réflexion plus loin en prévenant que si Québec ne prenait pas les mesures qui s'imposaient pour sélectionner ses immigrants, il prenait «le risque inutile de générer un terrorisme d'intérieur».

Ces propos ont fait frémir le directeur exécutif du Conseil canadien sur les relations entre l'islam et le contient américain CAIR-CAN.

«À notre avis, cela fait la promotion d'une peur non fondée envers les musulmans et l'immigration musulmane au Canada. Ce n'est pas en phase avec les valeurs de tolérance et d'acceptation enchâssées dans notre Chartre canadienne (des droits et libertés)», a fait valoir Ihsaan Gardee.

«M. Latulippe a le droit à son opinion, mais c'est une autre paire de manche lorsque l'argent des contribuables va à quelqu'un dont les valeurs et les opinions ne reflètent pas celles enchâssées dans la Chartre», a-t-il conclu.

Son organisme a d'ailleurs appelé les Canadiens à adresser une lettre au ministre Cannon pour lui demander de revenir sur sa décision de nommer Gérard Latulippe à titre de président de Droits et Démocratie, dont le mandat est de promouvoir les droits humains et les pratiques démocratiques sur la planète.

Dans son mémoire sur les accommodements présenté en 2007, M. Latulippe ne limite pas ses propos au fondamentalisme islamique et mentionne également les accommodements exigés par les communautés juives et hassidiques, notamment.

L'essentiel de ses propos s'attarde toutefois aux immigrants musulmans lorsqu'il fait le lien avec le terrorisme qui pourrait surgir au Québec.

«Les tensions interculturelles font en sorte que le processus prend une spirale ascendante... et une nouvelle génération de terroristes est née. Chez nous, dans le quartier d'à côté... dans la maison voisine. Et voilà comment la sécurité publique d'une société d'accueil se retrouve menacée», écrit-il.

Il ajoute que comme la langue, la compatibilité des valeurs devrait faire partie des critères de sélection des immigrants.

«Il n'est pas suffisant d'informer l'immigrant sur les valeurs québécoises. Il est essentiel de le sélectionner en fonction de sa volonté et de sa capacité à y adhérer», note-t-il.

Lawrence Cannon a demandé aux partis d'opposition leur avis sur cette nomination, mais il n'est pas obligé légalement de prendre en considération leur opinion.

Dans les médias, les trois partis ont vivement décrié un choix qu'ils jugent partisan. M. Latulippe a été candidat défait de l'Alliance canadienne, ancêtre du Parti conservateur actuel, ainsi que lieutenant québécois de son ancien chef, Stockwell Day. On lui reproche notamment ses opinions sur la peine de mort et sur la reconstruction d'Haïti, dont il a déjà dit qu'il faudrait mettre le gouvernement sous tutelle.

L'opposition avait jusqu'à lundi pour faire part de ses réserves à l'égard de M. Latulippe au ministre. Lundi, l'attachée de presse de M. Cannon, Catherine Loubier, a indiqué que le ministre allait rendre publique sa décision «bientôt», sans toutefois offrir d'échéancier.

Selon le professeur de droit à l'université d'Ottawa, Errol Mendes, le gouvernement de Stephen Harper devrait absolument écouter les craintes de ses adversaires politiques, au nom du principe même de sa Loi fédérale sur l'imputabilité.

«C'est une pente glissante très dangereuse de mettre une communauté entière dans le même panier», a noté le spécialiste en droits de la personne.

«Comment le gouvernement peut-il justifier, tout particulièrement après le tollé contre ce qui s'est produit au conseil d'administration, de nommer quelqu'un qui a le potentiel de diviser encore plus? C'est stupéfiant. Pour moi, c'est une abdication totale de ce qu'il promettait avec la Loi fédérale sur l'imputabilité», a-t-il lancé.

L'ancien président de Droits et démocratie, Rémy Beauregard, est décédé subitement d'un infarctus dans la nuit du 7 au 8 janvier, après une réunion tumultueuse avec le conseil d'administration nommé par le gouvernement, dont la majorité des membres était hostile à M. Beauregard. On lui aurait reproché d'avoir accordé du financement à des organismes ayant critiqué Israël.