«Après 430 jours d'isolement en Antarctique, quand l'équipage a enfin quitté et qu'on a pris la mer, le premier signe de civilisation qu'on a vu, c'était un sac de plastique», a laissé tomber l'explorateur Jean Lemire en prenant la parole, mercredi, lors du lancement de la Stratégie québécoise de l'eau dans le parc des Mille-Îles, à Laval.

À l'ombre du Centre d'interprétation de l'eau et devant une berge peuplée de bernaches, de canards et de leurs petits, la ministre de l'Environnement, Isabelle Melançon, a dévoilé un vaste programme prévoyant des investissements de 550 millions $ sur cinq ans, dont 350 millions $ sont des ajouts répartis entre différents ministères provenant des budgets 2017 et 2018.

«L'abondance de l'eau ne doit pas nous faire oublier qu'il s'agit d'une ressource fragile», a-t-elle rappelé en présentant les grandes lignes de la Stratégie.

Au premier chef, celle-ci vise à améliorer et à assurer la qualité de l'eau et son accessibilité. Elle cible particulièrement les eaux souterraines, les puits, mais aussi les installations de traitement de l'eau potable et des eaux usées des municipalités, ainsi que les pratiques agricoles.

Les efforts porteront également sur la protection et la restauration des milieux aquatiques et les espèces qui y habitent ainsi que le contrôle des espèces et plantes envahissantes.

Parmi les autres objectifs visés, le plan stratégique entend améliorer la gestion des risques, notamment ceux reliés aux changements climatiques et aux événements météorologiques extrêmes.

Un des volets porte aussi sur l'exploitation du potentiel économique de l'eau, notamment pour le transport maritime, mais la ministre Melançon a fermé la porte sans appel lorsqu'interrogée sur l'idée d'exporter de l'eau en vrac. «On est là pour la protéger, pas pour la vendre», a-t-elle dit.

Plusieurs autres mesures visent la protection de la ressource à long terme et tournent autour de la sensibilisation, de la recherche et de la collaboration entre divers ministères impliqués.

Un Conseil québécois de l'eau sera mis sur pied et celui-ci sera surtout composé de citoyens, d'utilisateurs et de représentants scientifiques et gouvernementaux. Une de ses premières missions sera de se pencher sur la question des plastiques à usage unique, un dossier sur lequel Québec pourrait éventuellement légiférer, a indiqué Mme Melançon.

«Il faut d'abord faire cette sensibilisation, bien faire comprendre que le plastique est une pollution qu'on retrouve de plus en plus», a-t-elle d'abord déclaré, avant d'ajouter que le gouvernement pourra éventuellement «aller par la suite probablement avec de la législation pour les plastiques».

RPEP : appel au dialogue

La ministre Melançon a profité de l'occasion pour inviter les municipalités à reprendre le dialogue sur le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP).

Plusieurs municipalités se sont tournées vers les tribunaux pour forcer Québec à allonger les distances en surface et sous terre où les forages sont interdits.

Le ministère des Ressources naturelles a récemment allongé ces distances dans ses nouveaux règlements, mais de nombreuses municipalités les jugent toujours insuffisantes. Ces règlements font encore l'objet de consultations et la ministre estime que les municipalités devraient en profiter pour faire valoir leur point de vue.

Celles-ci veulent toutefois des normes plus sévères dans le RPEP lui-même, mais Mme Melançon a fait valoir qu'elles peuvent néanmoins les obtenir dans l'état actuel des choses.

«Une municipalité qui veut faire la démonstration que, sur son territoire, il y a des données supplémentaires qu'on doit prendre en compte, on peut rendre rendre un règlement encore plus sévère. Elles le savent très bien», a-t-elle dit.