Malgré les réserves exprimées en coulisses par l'opposition, le gouvernement Couillard présentera demain un projet de loi qui donnerait des pouvoirs spéciaux au Directeur général des élections (DGEQ) afin qu'il surveille la collecte et l'utilisation des données personnelles par les partis politiques.

La ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Kathleen Weil, donnera suite à la demande formulée au début d'avril par le DGEQ Pierre Reid. Une source gouvernementale a confirmé hier qu'un projet de loi serait inscrit au feuilleton ce matin pour être présenté à l'Assemblée nationale dans 24 heures.

Québec veut permettre au DGEQ de se pencher rapidement sur la manière dont les partis politiques colligent et utilisent les données personnelles des électeurs au Québec. À l'heure actuelle, aucune loi n'encadre cette pratique.

DÉBAT À QUÉBEC

Le dossier s'est retrouvé au coeur d'un débat partisan à Québec dans la foulée du scandale Facebook-Cambridge Analytica, qui a secoué les milieux politiques britanniques et américains. Le premier ministre Philippe Couillard a ouvertement soupçonné des adversaires d'avoir embauché une firme pour colliger des données sur les réseaux sociaux.

Le gouvernement libéral a ensuite battu une motion qui demandait aux partis de rendre publiques les ententes qui les lient à des entreprises de collecte de données. Mme Weil a alors proposé que le DGEQ fasse enquête. Mais à la surprise générale, celui-ci a refusé en citant le vide législatif.

M. Reid s'est ravisé quelques jours plus tard. Il a écrit aux élus pour demander à ce que l'Assemblée nationale lui attribue de nouveaux pouvoirs, semblables à ceux dont il dispose pour enquêter sur le financement politique.

Mme Weil a immédiatement appuyé la demande. Le Parti québécois, la Coalition avenir Québec et Québec solidaire ont aussi exprimé des opinions favorables.

LE CONSENSUS S'EFFRITE

Or, Le Soleil a rapporté il y a trois semaines que le consensus s'est effrité depuis. Comme M. Reid ne pourra terminer son enquête avant les élections, l'opposition a proposé de confier la discussion à un comité technique. Le gouvernement s'est montré plus pressé.

Selon nos informations, Québec a accepté de modifier la nature du mandat qui serait confié au DGEQ et d'en limiter la durée. On espère que ces assouplissements permettront de rallier l'opposition.

Si le bras de fer entre le gouvernement et l'opposition persiste, le projet de loi de Mme Weil a peu de chances d'être adopté d'ici à la fin de la session, la semaine prochaine. Par tradition, les changements à la Loi électorale sont en général décidés par consensus à l'Assemblée nationale. Cela veut dire que la pièce législative devrait recevoir l'aval de tous les députés.

PROBLÈME NOUVEAU

Les partis politiques ont toujours compilé des données sur les électeurs afin de cibler leurs partisans et de les mobiliser lors des élections. Mais l'arrivée de nouvelles technologies leur donne accès à des possibilités jusqu'ici inimaginables.

On a notamment vu des partis lancer des pétitions en ligne pour dénoncer certains enjeux, des initiatives qui leur ont permis de mettre la main sur des données à propos des électeurs.

Le Parti québécois a dévoilé il y a 10 jours un programme appelé « Force bleue », qui prévoit une « cartographie intelligente » et la création de « pages de captation ». Le parti de Jean-François Lisée a dit miser sur ces « outils technologiques performants » pour former ses membres et identifier ses sympathisants.

L'automne dernier, la Coalition avenir Québec a confirmé avoir dépensé plus de 1 million pour se doter d'un outil informatique appelé « Coaliste ». Ce programme regroupe des informations sur les électeurs et permet à l'équipe de François Legault d'ajuster son message, par exemple lors d'activités de porte à porte.