Pas besoin de loi, ni de quotas, pas question de mesures contraignantes, ni d'objectif chiffré pour faire progresser la place des femmes en politique.

C'est du moins la conclusion à laquelle en est arrivé un groupe de parlementaires, dans un rapport rendu public jeudi.

La courte liste des recommandations formulées dans le rapport final du groupe d'élus chargé de se pencher sur la place des femmes en politique ne contient aucune mesure susceptible de forcer la main aux partis politiques pour changer le cours des choses.

Ces députés, issus de tous les partis, auront consacré plus de deux ans et demi à étudier la question, pour formuler au bout du compte sept recommandations toutes plus consensuelles les unes que les autres et nullement contraignantes pour les partis politiques.

Chose certaine, aucune recommandation n'aura pour effet direct d'augmenter à court terme la proportion de femmes élues à l'Assemblée nationale.

Les appels de plusieurs organismes pour l'adoption d'une loi visant à imposer aux partis de présenter au moins 40 % de candidatures féminines aux élections sont donc restés lettre morte.

La montagne a accouché d'une souris, selon l'opposition péquiste, qui déplore que des années de travail soient ainsi réduites à un document vidé de toute substance.

Au lieu de privilégier la voie législative ou toute autre mesure coercitive pour atteindre une zone paritaire, la Commission des relations avec les citoyens (CRC) a plutôt opté pour le plus bas dénominateur commun.

Elle recommande notamment de «favoriser» la présence de femmes dans les lieux décisionnels, de valoriser la diversification des profils de candidates et d'organiser des campagnes d'éducation à la citoyenneté.

Le groupe de parlementaires aimerait aussi qu'on valorise davantage le mentorat auprès des aspirantes candidates et qu'on encourage l'Assemblée nationale à se doter d'un plan d'action favorable à une meilleure conciliation travail-famille.

Le rapport, très attendu dans les milieux féministes, a été rédigé après plus de deux ans de travaux, une consultation en ligne et une commission parlementaire, durant laquelle la majorité des témoignages entendus allaient dans le sens d'imposer la parité hommes-femmes aux partis politiques.

Il compte une vingtaine de pages, à part les annexes. Le groupe avait le mandat d'identifier des pistes de solution et des mesures concrètes réalisables à court terme pour favoriser la participation des femmes à la politique.

Les auteurs du rapport ne tentent pas de justifier l'approche retenue, négligeant d'expliquer à partir de quel argumentaire ils avaient évacué la voie législative.

Depuis des décennies, la pertinence d'imposer ou non des quotas de candidatures féminines aux partis politiques sème la controverse dans la classe politique.

Malhonnêteté intellectuelle

La porte-parole en condition féminine de l'opposition péquiste, la députée Catherine Fournier, qui est membre de la commission, n'hésite pas à parler de «malhonnêteté intellectuelle», quand elle pense à la façon de procéder qui a été retenue.

«Je suis extrêmement déçue» devant le résultat final, a commenté la députée, qui dit avoir marqué sa dissidence sur le contenu et la manière de procéder du groupe lors de la dernière séance de travail.

Selon la députée, les députés libéraux, majoritaires au sein de la commission, appuyés par les caquistes, ont pris le contrôle des travaux du groupe, privilégiant leurs «intérêts partisans» au mépris de la cause des femmes.

En entrevue téléphonique, elle a fait valoir que certains libéraux et caquistes auraient agi de la sorte pour ne pas mettre «de pression sur les épaules» de leur formation politique à la veille des élections.

Elle dit avoir tenté, en vain, de convaincre les membres de recommander la voie législative pour accroître la proportion de femmes à l'Assemblée nationale.

C'est la députée libérale de Richmond, Karine Vallières, qui a piloté ce dossier depuis le début et qui a dirigé les travaux de la commission parlementaire tenue sur le sujet, mais elle a pris ses distances du groupe ces dernières semaines et n'a pas voulu commenter les orientations du rapport final jeudi.

Soucieuse de contribuer à accroître la place des femmes en politique, Mme Vallières avait déposé un mandat d'initiative à la CRC en décembre 2015.

La commission des relations avec les citoyens compte 13 membres, dont sept députés libéraux, quatre péquistes et deux caquistes. Le président actuel est le député caquiste Marc Picard et son vice-président est le député libéral Michel Matte.

Le dépôt du rapport à l'Assemblée nationale a été accompagné d'un bref communiqué de presse de trois paragraphes, mais n'a fait l'objet d'aucune activité de presse.

Le dépôt du rapport survient au moment où la question de la parité hommes-femmes est devenue un enjeu de la prochaine campagne électorale. Tous les partis disent tout mettre en oeuvre pour présenter une proportion plus importante de candidates que par le passé.

Les femmes forment actuellement 27 % des députés de l'Assemblée nationale.