À trois mois du déclenchement des élections, le gouvernement Couillard se décide à réfléchir à la privatisation de la Société des alcools, que préconise depuis des années la Coalition avenir Québec (CAQ). Il a commandé une étude qui devrait lui être remise tout juste avant le déclenchement de la campagne électorale, fin août.

L'avenir de la Société des alcools du Québec (SAQ) fera partie de la plateforme électorale libérale, laisse-t-on entendre. Le ministère des Finances vient de lancer un appel d'offres pour la réalisation d'une étude sur les conséquences d'une éventuelle privatisation, partielle ou totale, de la société d'État.

Le plan stratégique de la SAQ a été déposé il y a quelques semaines, a rappelé jeudi le ministre des Finances Carlos Leitão ; l'intention d'obtenir une étude s'y trouvait déjà.

« On veut déterminer le modèle d'affaires le plus efficace. Est-ce que ce sera une privatisation totale, partielle ou pas du tout, il faudra d'abord faire ce travail-là. On va y aller dans l'ordre et après analyse. » - Carlos Leitão, ministre des Finances

Il faut, a insisté M. Leitão, considérer les éventuelles conséquences du changement, du point de vue de la santé publique, de la sécurité publique, des employés, de l'économie et des finances publiques.

Dans son appel d'offres rendu public, le ministère des Finances demande que les travaux débutent au plus tard le 9 juillet et que le rapport final soit déposé au plus tard le 27 août, soit deux jours avant le déclenchement de la campagne électorale. Dans un premier temps, on veut « un diagnostic stratégique sur la performance de la SAQ et l'évolution de son environnement d'affaires. Aussi, Québec demande qu'on procède à l'identification et à l'analyse des scénarios d'évolutions possibles du modèle d'affaires ».

La Coalition avenir Québec propose de mettre fin au monopole de la SAQ, pour permettre un meilleur accès aux produits. L'offre mondiale de vins et de spiritueux est beaucoup plus large que la gamme des produits offerts par la SAQ. François Bonnardel suggère par exemple de permettre aux épiceries de vendre des vins et des spiritueux embouteillés à l'extérieur du Québec, ce qui leur est interdit actuellement.

UNE IDÉE « IDÉOLOGIQUE »

Le leader parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, croit pour sa part que l'idée de privatiser de façon partielle ou totale la SAQ, « ce n'est pas pragmatique, c'est idéologique ».

« Pour les cinq produits les plus populaires de la SAQ, on est en bas du prix [de vente] de l'Ontario. Est-ce qu'on veut se priver de dividendes importants pour les missions essentielles de l'État ? Au profit de qui ? », a-t-il demandé. Pour lui, l'opération vise avant tout à satisfaire « des fantasmes d'idéologues ».

À leur arrivée au pouvoir, les libéraux avaient mandaté l'ex-présidente du Conseil du trésor Lucienne Robillard pour revoir les programmes du gouvernement. Son rapport préconisait la fin du monopole de la SAQ. Dans une étude déposée rapidement après l'élection de 2014, l'économiste Claude Montmarquette et le fiscaliste Luc Godbout avaient préconisé la privatisation partielle de la SAQ et celle d'Hydro-Québec.

Une autre étude, fin 2016, sous la responsabilité du professeur Robert Gagné de HEC Montréal, ajoutait de l'eau au moulin des partisans de la fin du monopole. Selon l'économiste, le modèle d'affaires de la SAQ, qui génère plus de 1,7 milliard de recettes dans les coffres du gouvernement, n'a pas enregistré de gains d'efficacité depuis 27 ans. Il croit que le gouvernement serait mieux servi par l'ouverture du monopole que par le statu quo.

LA CSN MONTE AUX BARRICADES

Jeudi, la CSN, qui représente les 5500 employés syndiqués de la SAQ, a réagi rapidement. Pour la centrale, les consommateurs n'auront pas plus de choix après la libéralisation. Les Albertains ont accès à deux fois moins de produits que les Québécois. En outre, les prix, en particulier pour les produits les plus populaires, sont inférieurs à ceux de l'Ontario.

Autre source d'inquiétude : les conséquences du démantèlement du réseau sur les finances publiques.

« La SAQ, c'est 1 milliard chaque année pour nos services publics, et ce, sans compter les revenus en taxes. » - Jacques Létourneau, président de la CSN

« En toute transparence, la CAQ doit nous dire ce qu'elle fera pour pallier cette perte. Des coupes supplémentaires dans les services ? De nouvelles taxes ? Il faut être clair sur ce que ça veut dire. Quant à nous, nous croyons que l'État n'a tout simplement pas les moyens de se priver de ces revenus », a-t-il affirmé.

- Avec Hugo Pilon-Larose et William Leclerc, La Presse