Après avoir affirmé qu'il n'était pas du tout en conflit d'intérêts en devenant président de la campagne électorale du Parti libéral du Québec (PLQ) tout en étant propriétaire de médias, l'homme d'affaires Alexandre Taillefer fait marche arrière.

Au centre de la controverse depuis l'annonce de son engagement politique jeudi matin, il a annoncé vendredi qu'il démissionnait du conseil d'administration de la société Mishmash Média, propriétaire des publications Voir et L'Actualité.

Les libéraux étaient sous la mitraille de l'opposition depuis l'annonce jeudi, eux qui ouvraient grand les bras à un patron de presse, alors qu'ils avaient vertement critiqué à une certaine époque que Pierre Karl Péladeau soit chef du Parti québécois sans se départir de son actionnariat de contrôle dans Québecor.

M. Taillefer a précisé que le plein pouvoir décisionnel de Mishmash Média, sans droit de regard, sera assumé par le président Éric Albert pour l'administration complète et les décisions d'affaires.

Alexandre Taillefer explique qu'il lui est primordial d'assurer une indépendance totale des salles de rédaction face à leur propriétaire, encore plus lorsqu'il s'investit en politique.

L'homme d'affaires se dit conscient du malaise que crée chez les journalistes employés par Mishmash Média ses nouvelles tâches politiques. Il affirme que le maintien de l'intégrité éditoriale de Voir et de L'Actualité est une valeur suprême à ses yeux.

Il ajoute qu'il met aussi fin à sa chronique mensuelle dans le magazine Voir, ce qu'il a aussi annoncé sur Twitter.

Alexandre Taillefer assure que la structure actuelle de XPND Capital et de Mishmash Média fait qu'il lui est possible de mettre rapidement son investissement minoritaire dans les médias à distance.

En mêlée de presse jeudi après-midi, l'entrepreneur avait soutenu qu'il n'y avait pas de conflit d'intérêts entre ses nouvelles fonctions politiques et ses responsabilités de patron de presse.

Il avait rappelé que ses médias étaient des mensuels, à la différence des quotidiens qui commentaient l'actualité au jour le jour. Il avait aussi fait valoir qu'il ne s'ingérait pas dans le contenu rédactionnel.

« On n'est pas du tout dans une situation problématique, avait-il dit. Jamais je n'interviens dans les salles de presse. Je ne pense pas qu'un mensuel soit en mesure d'avoir une influence sur une campagne électorale qui se déroule au quotidien. »

Rappelons néanmoins qu'à une certaine époque, en 1992, L'Actualité avait fait basculer la campagne référendaire sur l'Accord de Charlottetown en faveur du camp du Non en publiant des conversations entre des conseillers du premier ministre Robert Bourassa.

Allégeances politiques

Autre source de démêlés pour le nouveau président de la campagne du PLQ: ses multiples allégeances politiques. On apprenait jeudi en fin de journée que M. Taillefer était membre du Parti québécois et avait déjà été membre de la Coalition avenir Québec (CAQ), selon ce que ces deux formations ont confirmé.

Au fil des années, il a également fait des contributions aux trois grandes formations politiques reconnues à l'Assemblée nationale.

M. Taillefer a par la suite déclaré qu'il était membre du PQ à son insu. Comme il avait fait un don à la campagne à la direction du PQ de Jean-François Lisée en 2016, il s'est demandé si le don s'est transformé en carte de membre, en ajoutant que s'il était membre, c'était malgré lui.

Le premier ministre Philippe Couillard a été questionné sur cet enjeu vendredi, à savoir s'il était surpris d'apprendre que son équipier était membre du PQ. Dans une conférence de presse, il a répondu que non, qu'il était plutôt content, que c'est un « signe des temps », que les gens reviennent au Parti libéral.