Le député Yves St-Denis se retire du caucus libéral à la suite de révélations concernant l'envoi à une employée politique d'une photo d'un acte sexuel, une affaire qui s'ajoute à des plaintes concernant son comportement inapproprié.

À la suite d'un reportage de Cogeco sur cette histoire, l'entourage du premier ministre Philippe Couillard signalait en matinée mardi que l'élu dans Argenteuil devra quitter de lui-même le caucus ou alors ses collègues l'expulseront. M. St-Denis a finalement décidé de prendre la porte avant 9h. Sa carrière politique est de toute évidence terminée.

Avant les Fêtes, l'an dernier, une employée politique libérale des Laurentides a fait savoir que, peu après les élections de 2014, le député St-Denis lui avait fait parvenir, à partir de son cellulaire, une photo d'un homme se faisant faire une fellation. Pour l'employée, il était clair qu'il s'agissait du député St-Denis. 

Joint par Cogeco, M. St-Denis avait minimisé la portée de son geste soutenant qu'il s'agissait d'une image saisie sur un film pornographique. 

Quand elle s'est confiée à des proches, l'employée politique, pour qui il s'agissait bien du député St-Denis, s'est fait conseiller d'aller raconter son histoire à la whip du Parti libéral du Québec (PLQ), Nicole Ménard. Celle-ci, comme le prévoit la directive sur le harcèlement des employés politiques, a soumis la question à la répondante en matière d'inconduite sexuelle de la direction des ressources humaines à l'Assemblée nationale. 

L'employée politique, qui relève de la ministre Christine Saint-Pierre, s'était tue depuis ce faux pas du député St-Denis en 2014. Mais, au cours des derniers mois, les rapports entre cette employée responsable des Laurentides et le député, qui faisait partie de ce territoire, s'étaient envenimés. Elle n'avait plus accès à la photo compromettante lorsqu'elle a porté plainte, car comme elle avait changé de fonction et n'avait plus le même appareil cellulaire.

En marge de l'annonce du gouvernement sur le transport et la mobilité durable, le premier ministre Philippe Couillard a commenté l'affaire St-Denis, révélant que la plainte de l'employée politique portait aussi sur des questions de harcèlement psychologique.

«Tout ça est en train d'être réévalué. Il est certain que ça rend une candidature (de M. St-Denis) beaucoup plus difficile», a souligné M. Couillard.

Il précise que les vérifications «seront faites correctement, dans le respect de tout le monde, mais il est clair que ce n'est pas le genre de comportement qu'on veut voir parmi nos élus».

Pour lui, la plainte ne portait pas spécifiquement sur l'inconduite sexuelle. «Il y a eu une plainte pour harcèlement psychologique et elle a été prise en charge selon la politique de l'Assemblée nationale, immédiatement. Vous avez l'impression qu'il n'y a pas eu de suivi parce que ce n'est jamais public!», a expliqué M. Couillard.

Ce n'est pas la première fois que le comportement du député d'Argenteuil, un ancien président de commission scolaire, fait l'objet de plaintes. Il aurait eu de ces échanges de photos avec une autre employée politique qui a quitté son emploi depuis. M. St-Denis faisait parler de lui aussi pour ses blagues inappropriées et ses colères fréquentes à l'endroit du personnel politique. Il avait été fréquemment convoqué au bureau du whip - Stéphane Billette à l'époque - pour d'insistants rappels à l'ordre.

En 2016, M. St-Denis avait également fait l'objet de plaintes de harcèlement et d'intimidation de la part de députés de Québec solidaire et de la Coalition avenir Québec. Ils lui reprochaient d'avoir un comportement déplacé et un langage «insultant et violent», de constamment interrompre ses collègues et de jeter des «regards intimidants» en Chambre, lorsqu'ils prenaient la parole. «Il a un comportement de goon», affirmait alors le député de Mercier, Amir Khadir, qui est assis non loin d'Yves St-Denis à l'Assemblée nationale.

M. Khadir et François Bonnardel, de la CAQ, avaient demandé au président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, d'intervenir pour mettre fin à ce qu'ils qualifiaient de harcèlement et d'intimidation.

Dès son élection en 2014, M. St-Denis avait eu des démêlés avec son ancien employeur, la Commission scolaire des Affluents, qui lui reprochait d'avoir quitté ses fonctions en emportant avec lui du matériel informatique.

Sept mois plus tard, le PLQ avait dû exiger que M. St-Denis retourne le matériel informatique, incluant deux ordinateurs, à son ancien employeur.

M. St-Denis réclamait une date d'investiture pour le 29 avril, pour se voir confirmer sa candidature pour le PLQ dans Argenteuil. Informé des problèmes, le comité responsable des candidatures avait reporté la décision.

Il s'agit du troisième député libéral à être chassé du caucus libéral en marge d'allégations d'inconduite sexuelle, après Gerry Sklavounos, en 2016, et Pierre Paradis, en 2017.

L'opposition dégoûtée

Le comportement de M. St-Denis a été unanimement décrié par les partis de l'opposition mardi.

«C'est inacceptable, s'est insurgé Nathalie Roy, députée de la Coalition avenir Québec. Quand j'ai entendu ça ce matin, j'ai dit :Bien, voyons donc. Envoyer de la pornographie à une employée, quel manque de jugement. Quel mononcle! Je ne peux pas croire!»

«C'est ce qu'on appelle du harcèlement sexuel, a déploré la députée de Québec solidaire, Manon Massé. C'est que les femmes vivons à plusieurs égards à plusieurs moments dans notre vie. Et c'est ce qu'il faut qui cesse.»

Pour la whip du Parti québécois, Carole Poirier, l'épisode soulève des questions sur la manière dont l'équipe libérale ont géré le cas du député.  

«Si les faits révélés sont exacts, je me questionne sur le fait que la whip (Nicole Ménard) n'ait pas informé son chef et qu'il n'y ait pas eu de mesures prises contre M. Saint-Denis et qu'on ait attendu que ça soit dans les médias pour qu'il se retire du caucus», a-t-elle indiqué.

- Avec la collaboration de Martin Croteau