Les principaux partis politiques au Québec se sont tous réengagés, mardi, dans le débat sur le port des signes religieux, à six mois des élections.

La question a de nouveau rebondi à l'Assemblée nationale, où les partis d'opposition se sont empressés de dénoncer certains propos du premier ministre Philippe Couillard.

Lundi, en mêlée de presse après l'annonce du prolongement de la ligne bleue de métro à Montréal, M. Couillard a indiqué que l'enjeu des signes religieux était, selon lui, «imaginaire» et qu'il était préférable d'aller de l'avant avec «les véritables enjeux des véritables citoyens du Québec».

Le chef du gouvernement balayait ainsi du revers de la main la proposition de ses adversaires d'interdire le port de signes religieux ostensibles chez les personnes en position d'autorité, après que la mairesse de Montréal, Valérie Plante, eut ouvert la porte à ce que le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) intègre le hijab et le turban dans l'uniforme réglementaire de ses agents.

Les commentaires de M. Couillard ont fait bondir le chef du Parti québécois (PQ), Jean-François Lisée, qui l'a immédiatement accusé d'avoir «traversé la frontière de l'irrespect des Québécois».

«Comme s'il y avait des véritables citoyens du Québec, ceux qui sont d'accord avec M. Couillard, et des faux citoyens du Québec, qui ne sont pas d'accord avec M. Couillard», a-t-il pesté.

«Non, non, ce n'est pas ça que je voulais dire», avait pourtant lancé le premier ministre, mardi, à l'entrée du caucus libéral.

Selon M. Lisée, l'adoption l'année dernière de la loi 62, selon laquelle tous les services publics au Québec doivent être donnés et reçus à visage découvert, n'a rien réglé.

Les juges, procureurs, policiers, gardiens de prison et enseignants peuvent-ils porter des signes religieux ostensibles? «Il faut que Québec se branche», a-t-il laissé tomber.

S'il est élu et d'ici l'été 2019, le PQ fera adopter une loi sur les règles du vivre ensemble et une loi sur le succès du vivre ensemble, «pour qu'enfin on puisse assainir la situation et passer à autre chose», a ajouté M. Lisée.

Les autres partis se sont aussi jetés dans la mêlée. La Coalition avenir Québec (CAQ) a réitéré mardi qu'elle présentera un projet de loi dans la première année de son mandat pour interdire le port de signes religieux pour les personnes en position d'autorité et les enseignants.

«C'est M. Couillard lui-même qui relance le débat en nous accusant de tous les maux», s'est défendu le leader parlementaire de la CAQ, François Bonnardel.

«Le premier ministre du Québec répond à 76 % des Québécois en leur disant: »Vous autres, petit peuple que je regarde de haut, vous ne pensez pas comme moi, ben vous n'êtes pas des vrais Québécois«. C'est une insulte», a-t-il renchéri.

Un sondage CROP-La Presse, réalisé en février dernier, suggérait que 76 % des Québécois seraient favorables à l'interdiction des signes religieux pour les personnes en position d'autorité, et 67 % pour l'ensemble de la fonction publique.

Règles d'application

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a affirmé pour sa part que le débat sur les signes religieux ne fait qu'attiser les tensions entre citoyens. «Un moment donné, il faut cesser d'avoir peur de l'autre», a-t-elle dit en mêlée de presse.

Son collègue, le ministre des Ressources naturelles, Pierre Moreau, a demandé à tous les intervenants de patienter et d'attendre la publication des règles d'application de la loi 62.

«Le gouvernement, sur la base de la loi que nous avons adoptée, va produire prochainement des directives qui vont indiquer et à la Sûreté du Québec et aux autres organismes comment se conduire et comment appliquer la loi», a-t-il dit.