Deux députés du Parti québécois (PQ) ont annoncé, mardi, qu'ils quittent la vie politique. Alexandre Cloutier, député péquiste de Lac-Saint-Jean depuis 2007, et Nicole Léger, députée de Pointe-aux-Trembles, ne se représenteront pas aux prochaines élections.

Alexandre Cloutier a ouvert le bal en déclarant en conférence de presse à Alma à 10h qu'il terminera son mandat, mais qu'il n'en sollicitera pas un nouveau lors des prochaines élections générales en octobre. Le député de 40 ans dit partir parce qu'il n'a plus le « feu sacré ».

« Cette motivation qui a toujours été inébranlable m'a quitté progressivement récemment, a-t-il dit. Mon enthousiasme, surtout quand je traverse la réserve faunique des Laurentides pour me rendre à Québec, s'est effrité. »

« On reproche souvent aux hommes et aux femmes politiques de ne pas savoir quitter, de s'accrocher au pouvoir, et je ne veux pas que ce soit mon cas », a-t-il dit.

« On ne fait pas de la politique pour payer son hypothèque », la vie publique suppose un engagement total des individus, explique-t-il, disant qu'il n'a plus le « feu sacré ».

« La motivation n'était plus là », avait expliqué à La Presse, avant la conférence de presse, son bras droit, Jean Briand.

Pour ce dernier, ce départ n'est pas un jugement sur les chances du Parti québécois (PQ) de remporter les élections du 1er octobre prochain. « Alexandre a toujours fonctionné à 200 km/h, mais pour ça, il faut de la motivation, et elle n'était plus là », a dit Jean Briand.

L'annonce de son départ a été accueillie avec surprise à l'Assemblée nationale.

Le jeune député avait fait le saut avec André Boisclair en 2007. Il avait alors battu par 5 000 voix le Dr Yves Bolduc, bien connu dans la région et déjà pressenti par les libéraux comme le successeur de Philippe Couillard à la Santé. Par la suite, M. Cloutier avait occupé le poste de ministre aux Relations intergouvernementales sous Pauline Marois, puis il avait mordu la poussière aux deux courses à la direction du PQ qui ont choisi d'abord Pierre-Karl Péladeau et puis Jean-François Lisée. Le comté de Lac-Saint-Jean est toujours un fief du PQ -l'association y compte 4 000 membres.

Cloutier, c'est connu, avait été un opposant au virage « identitaire » du PQ, incarné par l'ex-ministre Bernard Drainville. Encore récemment, il était l'un de ceux qui avaient protesté en coulisses quand le chef Lisée avait voulu renouer avec ce positionnement.

Détenteur d'une maîtrise en droit international public de l'Université de Cambridge (2004) et d'une autre maîtrise en droit constitutionnel à l'Université de Montréal (2003), Cloutier n'a pas arrêté de projet pour la suite des choses, affirme Jean Briand. Il a annoncé sa décision à son entourage dans les dernières heures et était un peu déçu que cette annonce tombe le même jour que celle de sa collègue Nicole Léger qui a aussi annoncé abandonner son siège à la prochaine élection.

Réaction de Lisée

Jean-François Lisée a dit avoir signifié à Alexandre Cloutier sa «tristesse» de le voir quitter le PQ. «Comme pour Nicole, ce sont des gens avec qui on a travaillé et sur qui on comptait continuer. Alexandre a été un adversaire de très grande qualité dans la course au leadership. Je me faisais une joie d'être au gouvernement avec lui.»

«Il s'agit de son cheminement personnel, je le respecte. Le fait de prendre la décision de quitter est lourde et difficile, et le choix de l'annoncer appartient à chaque personne.»

« C'est un choix personnel », dit Nicole Léger

La députée péquiste de Pointe-aux-Trembles, Nicole Léger, lui a emboîté le pas en annonçant son retrait de la vie politique ce matin.

L'une des doyennes de l'Assemblée nationale, élue pour la première fois en 1996, tirera ainsi sa révérence lors du déclenchement des élections provinciales de l'automne prochain.

« Il est temps pour moi de passer le flambeau, a-t-elle dit, en précisant qu'elle allait, elle aussi, terminer son mandat. C'est un choix personnel. »

Elle a assuré que son départ n'était pas lié à l'annonce de son collègue Alexandre Cloutier, qui se retirera lui aussi de la vie politique, pas plus qu'il ne fait suite à une quelconque pression du parti.

« Personne ne m'a rien demandé, a lancé Mme Léger. C'est à moi seule de décider de poursuivre ou de ne pas solliciter un autre mandat. »

Elle répondait du même coup à la rumeur voulant que le Parti québécois ait poussé la députée de 62 ans vers la sortie pour offrir sa circonscription, un bastion péquiste, à Jean-Martin Aussant.

Présent au point de presse, le chef du PQ Jean-François Lisée a par ailleurs souligné que Mme Léger avait annoncé ses couleurs dès le mois de décembre. À propos de Jean-Martin Aussant, il a simplement indiqué que «la porte est ouverte, la décision lui appartient».

Nicole Léger a ajouté que si M. Aussant compte se présenter, «il devra faire le travail de parti avec les membres et les militants comme n'importe qui d'autre».

Mme Léger a été élue une première fois dans Pointe-aux-Trembles lors d'une élection partielle, le 9 décembre 1996. Elle a été ministre de la Famille, déléguée de 1998 à 2001 et en titre de 2012 à 2014. Elle a aussi été ministre de la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion de 2001 à 2003.

Jean-François Lisée a d'ailleurs souligné sa contribution à la création du réseau des CPE. «S'il n'y avait eu que ça dans ta vie de militantisme et d'implication politique, ce serait déjà beaucoup plus que d'autres anciens députés ou ministres de l'Assemblée nationale. En tant que père de famille qui en a profité, je te remercie personnellement!»

Mme Léger est aujourd'hui porte-parole de l'opposition officielle en matière de Conseil du Trésor et d'accès à l'information. Elle est aussi vice-présidente de la Commission de l'aménagement du territoire.

Moment opportun

Rappelant que «l'immense majorité des députés du PQ veulent se représenter», Jean-François Lisée n'a pas tenté de remettre en question la décision de M. Cloutier et de Mme Léger, affirmant plutôt que le moment qu'ils ont choisi, avant le début de la session parlementaire, était sciemment choisi.

«On est dans la dynamique normale d'une période préélectorale. Pour les militants, le parti et les électeurs, c'est un geste de respect. Ça donne la capacité aux chefs de prendre des décisions, et ça dit aux membres qu'il y a un bâton à passer.»

«Ça fait partie de la vie politique, a-t-il poursuivi. Voyez-y simplement des choix individuels de s'extraire d'une vie extraordinairement intense, exaltante, mais tellement drainante... Je lisais ce matin que huit députés du Parti libéral songent aussi à se retirer, est-ce qu'ils sont contre la politique fédéraliste du parti? J'en doute!»

M. Lisée a par ailleurs assuré que le PQ était «débordé» de candidatures pour l'investiture dans les différentes circonscriptions de la province.

-Avec La Presse canadienne