Tolérance zéro au volant, nouveau monopole pour la vente au détail comme en ligne et interdiction de faire pousser son propre «pot»; le projet de loi déposé par le gouvernement Couillard sur la consommation de cannabis diffère sous bien des aspects de la loi en voie d'adoption au Parlement fédéral.

En conférence de presse, jeudi, la ministre de la Santé publique Lucie Charlebois n'a pas caché son peu d'enthousiasme pour la légalisation «d'une substance qui comporte d'importants risques pour la santé». L'encadrement proposé par Québec vise à «éviter la banalisation du produit» : pas question d'autoriser la publicité, l'incitation à la consommation dans les magasins - on pense à une quinzaine de points de vente à partir de la mi-2018, et plus de 150 dans les deux années qui suivent.

Le gouvernement du Québec évalue à près de 500 millions $ le marché du cannabis légal qui transitera par une quinzaine de magasins de la nouvelle Société québécoise du cannabis (SQC), qui opèrera à partir du 1er juillet 2018.

Déposé à l'Assemblée nationale, le projet de loi 157 prévoit des règles sévères pour la consommation du cannabis. Comme pour le tabac, il ne sera pas possible de fumer dans les restaurants, les bars, dans les hôpitaux et les édifices publics. La consommation sera interdite aussi dans un rayon de neuf mètres de la porte de ces établissements. Interdiction de fumer aussi sur les campus des cégeps et des universités.

En revanche, il sera permis de consommer du cannabis sur la voie publique et dans les événements culturels ou sportifs, à moins que la municipalité n'en décide autrement.

Les succursales de la nouvelle SQC ne devront pas faire la promotion du produit. Pas question de publicité, de spéciaux, d'affichage engageant. Les nouveaux employés - qui seront formés par la SAQ - fourniront des informations sur le type de produit, sur leur effet. Les succursales pourront vendre des accessoires nécessaires aux consommateurs, mais pas d'autres produits dérivés comme les muffins ou les bonbons contenant de l'huile de cannabis.

Ottawa avait mis de la pression sur les provinces en disant que la vente en ligne serait disponible partout au pays à défaut de l'être dans chaque territoire. Québec occupe ce champ - la SQC aura le monopole de la vente en ligne. Le produit devra être livré de main à main par des employés de Postes Canada, comme c'est le cas actuellement pour le vin vendu par la SAQ.

Pour les automobilistes, ce sera tolérance zéro : on ne devra pas trouver de traces de THC (l'ingrédient actif du cannabis) dans la salive, ce qui suppose que le consomatteur n'a pas fumé quatre à six heures au préalable. Les contrevenants verront leur permis de conduire suspendu pour 90 jours et seront passibles d'amendes de 300 $, et du double en cas de récidive.

Ottawa assure qu'il aura homologué d'ici le 1er juillet prochain les appareils nécessaires à la détection pour le patrouilleurs sur la route. À défaut, les policiers pourront faire subir des tests habituels pour facultés affaiblies - en testant la coordination des automobilistes interceptés.

Québec ne permet pas l'autoproduction même si Ottawa ouvre la porte en la limitant à quatre plants de moins d'un mètre. Pour le ministre des Finances, cette disposition aurait été «un cauchemar à appliquer», la propriété des plants, ainsi que leur nombre et leur taille, étant difficile à établir. Ouvrir la porte à la production à domicile aurait pu déboucher sur des problèmes sanitaires.

Le gouvernement Couillard espère que la moitié des 140 tonnes de cannabis vendus illégalement actuellement au Québec seront aiguillés vers le réseau légal. Avec beaucoup de prudence, les fonctionnaires indiquent que les revenus de taxe d'accise pour Québec seraient d'entre 30 et 40 millions $, auquel il faudrait ajouter 60 millions $ pour la TPS. Pour le ministre Leitao le partage des recettes sera précisé lors d'une conférence fédérale provinciale des ministres des Finances, début décembre à Ottawa.