Le premier ministre Philippe Couillard confirme qu'il était présent à l'une des somptueuses soirées organisées par l'ex-argentier du Parti libéral du Québec Marc Bibeau entre des gens d'affaires, des donateurs du parti et des ministres. «C'était un événement social. J'étais présent et ce n'était rien d'autre que des rencontres entre des gens. Tous les partis politiques de l'époque faisaient ça», a-t-il plaidé, mercredi, martelé de questions au Salon bleu.

Selon les médias de Québecor, Marc Bibeau aurait organisé alors que Jean Charest était premier ministre du Québec au moins sept soirées à son domicile dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal et à Laval. Plusieurs ministres étaient alors présents, mais aussi des donateurs du Parti libéral et des gens de la communauté d'affaires. Ces activités seraient d'ailleurs sous la loupe de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) dans le cadre de l'enquête Mâchurer, affirme Québecor. 

«Il fallait mettre un terme à une sorte de proximité qui devenait de plus en plus difficile pour la perception [des liens] entre les milieux économiques et les élus. C'est chose du passé. Aujourd'hui, cette époque est révolue», a affirmé M. Couillard, longuement questionné à ce sujet par les partis de l'opposition à l'Assemblée nationale. 

L'opposition parle d'un parti «sous influence» 

Pour le Parti québécois, le Parti libéral du Québec est «une formation politique sous influence, celle de Marc Bibeau». Les péquistes exigent du gouvernement Couillard qu'on explique pourquoi des ministres - dont certains composent l'actuel conseil exécutif - auraient participé sous l'ère Charest à de somptueuses soirées au domicile de l'ex-argentier du parti, où étaient présents des gens d'affaires et des donateurs politiques.

«Je n'ai jamais vu une telle chose ! La moitié d'un conseil des ministres qui se rend dans une propriété privée pour rencontrer des firmes d'ingénieurs. (...) Des ministres du gouvernement actuel étaient présents, je pense qu'ils doivent nous parler des raisons qui ont fait en sorte qu'ils se sont rendus sur place», a affirmé mercredi le leader parlementaire de l'opposition officielle, Pascal Bérubé, lors d'une mêlée de presse. 

À la période des questions, Philippe Couillard et le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, ont à leur tour attaqué les partis de l'opposition. Ils ont notamment cité des exemples où l'ancien premier ministre péquiste Bernard Landry s'est retrouvé dans un cocktail avec la firme Oxygène 9 (le gouvernement avait ensuite légiféré pour mieux encadrer le lobbying). Ils ont ensuite visé le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, qui aurait déjà été présent dans un événement impliquant «uniquement des présidents de compagnies pharmaceutiques» alors qu'il était ministre de la Santé sous un gouvernement du Parti québécois.

«Je ne dis pas ça pour blâmer [M. Legault], je pense que c'est un homme intègre, mais je suis en train de démontrer que par des rapprochements et des allusions, on est en train de créer des perceptions», a dit M. Couillard.

«Le problème, a répondu le chef de la CAQ, ce n'est pas de collecter des fonds, mais de donner des contrats en échange.» 

«Un seul parti est sous la loupe de l'UPAC présentement et c'est le Parti libéral du Québec. De tenter des amalgames avec les autres formations politiques, c'est faire une déviation évidente», a aussi dit Pascal Bérubé. 

Une opportunité pour parler avec des ministres 

Marc Bibeau, responsable du financement du Parti libéral sous l'ère Charest, aurait également prononcé des discours lors des réceptions qu'il organisait chez lui où il invitait les gens d'affaires à saisir l'opportunité pour rencontrer les ministres et «discuter avec eux», affirment les médias de Québecor, qui citent des notes qu'ils affirment avoir vues. 

Sur la liste des invités, peut-on lire ce matin, figuraient notamment Philippe Couillard, Michelle Courchesne, Pierre Reid, Norman McMillan, Lise Thériault, Jacques Chagnon, Julie Boulet et Geoffrey Kelley. 

Pierre Reid, ministre de l'Éducation à l'époque, a confirmé sa présence à l'événement organisé par Marc Bibeau en 2003. «Il ne s'est passé aucun type de conversation d'affaires. (...) II n'y a eu aucun type négociation, a-t-il soutenu. C'était une fête intéressante entre nous. On avait réussi à gagner l'élection.»

«Imaginez la scène suivante : est-ce qu'un citoyen du Québec pourrait dire "moi j'aimerais avoir la moitié du conseil des ministres dans ma cour pour faire une fête ?" Je ne pense pas que ça soit possible. Pourquoi c'est possible avec Marc Bibeau», s'est questionné Pascal Bérubé pendant une mêlée de presse, mercredi.

Le Parti québécois demande aussi au gouvernement de clarifier si des cabinets ministériels ont payé certaines dépenses liées aux soirées chez Marc Bibeau. L'opposition officielle appelle désormais le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) de mener une enquête à ce sujet, puisqu'aucune activité partisane n'aurait été déclarée à l'époque, soutient-on.  

- Avec Tommy Chouinard, La Presse