Québec interdira à ceux qui font de l'évasion fiscale de décrocher des contrats publics. Et il fera 75 embauches pour doter Revenu Québec d'une nouvelle unité spécialisée en planifications fiscales internationales.

Le ministre des Finances, Carlos Leitao, a présenté vendredi un plan d'action « pour assurer l'équité fiscale » et lutter contre les paradis fiscaux. Il l'a déposé à l'Assemblée nationale lors d'une interpellation du député de Québec solidaire, Amir Khadir, portant sur l'encadrement du commerce en ligne.

Ce plan d'action est la réponse du ministre au rapport de la commission parlementaire des finances publiques sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux rendu public en mai. Il reprend, en partie, les recommandations des députés membres de cette commission.

Dans son plan d'action, M. Leitao confirme son intention, révélée plus tôt cette semaine par La Presse, d'imposer la taxe de vente à tous les biens et services en ligne offerts par des fournisseurs étrangers comme Netflix.

Québec entend « élargir à l'évitement fiscal abusif, y compris l'évitement fiscal abusif ayant recours aux paradis fiscaux, l'interdiction de contracter des contrats publics prononcée par l'Autorité des marchés financiers ». Cette interdiction existe déjà pour ceux qui ont commis certaines infractions criminelles et de la fraude fiscale. Québec biffera désormais de sa liste de fournisseurs ceux qui ont été cotisés pour évitement fiscal abusif.

Québec entend également « priver des contrats gouvernementaux les cabinets professionnels qui ont aidé à l'évitement fiscal abusif ». Il analysera « la possibilité de revoir l'admissibilité des entreprises ayant participé à des opérations d'évitement fiscal abusif à toutes formes d'aide financière du gouvernement du Québec ». La commission des finances publiques lui demandait de ne pas donner de subventions aux contrevenants.

Le gouvernement embauchera 75 personnes pour créer à Revenu Québec un « Groupe d'intervention spécialisé en planifications fiscales internationales ». L'objectif est entre autres « d'identifier, de vérifier et de cotiser les contribuables fautifs et de renforcer les analyses internes et les démarches favorisant la conformité fiscale ».

Québec écarte la création d'une taxe sur les profits détournés, mieux connus sous le non de « Google tax ». La commission des finances publiques lui recommandait d'étudier cette mesure. Or « elle serait contre-productive et aurait plus d'inconvénients que d'avantages », selon le gouvernement.

Québec mettra sur pied un programme de rémunération des dénonciateurs fiscaux. « Sommairement, le programme québécois de dénonciation rémunérée portera sur des informations qui peuvent parfois ne pas être facilement accessibles à Revenu Québec, soit celles relatives aux opérations qui constituent un trompe-l'oeil. Il portera également sur les opérations conduisant à l'application de la règle générale anti-évitement », peut-on lire dans le plan d'action. Pour être admissibles à la rémunération, les dénonciateurs devront fournir des informations entraînant une récupération d'au moins 100 000 $ de droits en application d'une loi fiscale québécoise. La rémunération d'un dénonciateur pourra atteindre 15 % des droits, sans égard aux pénalités et aux intérêts, qui seront récupérés par Revenu Québec.

L'Agence du revenu du Canada a un tel programme depuis 2014, mais il « vise explicitement les dénonciations fiscales d'activités se produisant à l'étranger ». « Le Québec adopte une approche complémentaire au programme fédéral en ciblant les planifications fiscales abusives se produisant au Québec », souligne le plan d'action.

Québec estime à 686 millions de dollars ses pertes fiscales associées au recours aux paradis fiscaux en 2017 :

• 159 millions de dollars attribuables aux profits détournés par des sociétés multinationales;

• 270 millions de dollars attribuables à la non-perception de la taxe de vente sur les achats de biens et de services en ligne;

• 257 millions de dollars attribuables au recours aux paradis fiscaux par des particuliers.