Québec veut imposer dès 2018 la TVQ à tous les biens et services offerts en ligne par des fournisseurs étrangers, comme Netflix.

La Presse révélait mercredi que le ministre des Finances, Carlos Leitão, a annoncé ses intentions au gouvernement fédéral en envoyant une lettre à son homologue Bill Morneau. Il l'avise que Québec ira de l'avant avec ou sans l'appui du fédéral, qu'Ottawa veuille ou non imposer sa propre taxe de vente, la TPS.

«Ce serait mieux que ça se fasse par les deux gouvernements, mais sinon, nous allons le faire nous-mêmes», a affirmé M. Leitão lors d'une mêlée de presse à l'Assemblée nationale.

Le ministre a précisé que son «objectif» est d'imposer la TVQ dès 2018. Son budget, attendu en mars, présentera les mesures pour concrétiser ses intentions. Un projet de loi devrait être déposé pour créer un régime d'inscription «simplifié» au régime de la TVQ destiné aux fournisseurs étrangers.

Dans le cas des services intangibles, comme un abonnement à Netflix, l'entreprise devrait percevoir la TVQ auprès de ses clients et remettre les revenus au gouvernement. Pour ce qui est des biens, Québec demanderait à l'Agence canadienne des services frontaliers de la percevoir.

De son côté, le Parti québécois (PQ) demande à Carlos Leitão qu'il impose aux compagnies étrangères qui font du commerce en ligne de récolter les taxes de vente, tout en diminuant de façon proportionnelle les taux de la TPS et de la TVQ aux nouveaux revenus générés.

Cette proposition répondrait ainsi aux préoccupations d'Ottawa, qui promet de ne pas augmenter le fardeau fiscal des contribuables, affirme le critique péquiste en matière de Finances, Nicolas Marceau. «C'est une solution qui règle la question du commerce électronique de manière globale», a-t-il résumé mercredi. 

«Il y a moyen de réduire le taux de la TVQ de manière à ce que l'augmentation des revenus qui découlent de la taxation du commerce électronique soit parfaitement compensée par une réduction du taux de la TVQ sur l'ensemble des biens que les Québécois s'achètent. (...) Si le fait de taxer [des] entreprises étrangères (...) permet de récolter, disons, 500 millions de dollars, il y aurait moyen de réduire la TVQ au Québec d'environ un tiers de point [pour réduire] les revenus de l'État de 500 millions. (...) Au net, le fardeau fiscal des Québécois lié aux taxes de vente demeurerait le même», a expliqué le député péquiste.

Le gouvernement ferme la porte

Rapidement, mercredi matin, Carlos Leitão a complètement fermé la porte à la proposition du PQ. 

«Ce n'est pas une bonne idée, a-t-il dit en marge du caucus libéral qui précède la période de questions à l'Assemblée nationale. Si on embarque dans cet engrenage, où va-t-on s'arrêter? Les lois fiscales existent et doivent être appliquées à tous les participants, qu'ils soient locaux ou étrangers.»

Philippe Couillard, questionné sur cette proposition au Salon bleu, a rétorqué «qu'il faut séparer les deux enjeux». 

«On va commencer par annoncer la mesure, on va commencer par la mettre en place, on va commencer par mesurer effectivement son impact budgétaire, et, s'il y a des marges de manoeuvre, on sait très bien où on loge. Les marges de manoeuvre, c'est pour les Québécois directement, sous forme de baisses d'impôt, d'allègements du fardeau fiscal, mais également pour diminuer notre dette», a dit le premier ministre. 

Le député de Québec solidaire Amir Khadir, qui a proposé au début du mois un projet de loi pour imposer les taxes de vente à toutes les entreprises qui font du commerce électronique (une démarche appuyée par l'homme d'affaires Peter Simons, la fiscaliste Marwah Rizqy et le président-directeur général du Conseil québécois du commerce de détail, Léopold Turgeon) croit pour sa part qu'il faut d'abord s'attaquer au problème de l'équité entre les entreprises avant de discuter des niveaux de taxation. 

«On a toujours dit depuis l'introduction de la TPS et de la TVQ que c'est une mauvaise manière de prélever des impôts, parce que c'est un impôt à la consommation [qui est au] même niveau pour tout le monde, que tu sois riche ou pas riche, une multinationale ou un petit commerce. (...) Mais ce n'est pas le temps de jouer sur 10 tableaux. Il faut envoyer un message clair et que le champ de compétition soit nivelé pour que nos commerçants locaux ne soient pas désavantagés», a-t-il dit.

«Je ne pense pas qu'à cette étape-ci, si on n'a pas suffisamment de revenus pour financer nos routes, nos écoles, nos hôpitaux, puis que l'on coupe un peu partout comme on l'a fait, que ça soit le temps d'accorder des diminutions [de taxes]», a-t-il ajouté.

Carlos Leitão considère qu'il répond aux doléances de Peter Simons avec sa proposition. Le projet de Québec solidaire contient « certains éléments très intéressants, mais la solution proposée n'est pas efficace. Ils ont bien identifié l'enjeu mais leur proposition ne donnerait pas les résultats souhaités », a-t-il soutenu.

La démarche de Leitão saluée

QS et la Coalition avenir Québec (CAQ) accueillent favorablement la lettre qu'a envoyée M. Leitão au fédéral. «Pour nous, c'est une équité fiscale. On veut que tout le monde soit taxé ou que personne ne soit taxé. Ça prend une équité fiscale autant pour les entreprises de l'étranger que pour nos entreprises d'ici», a affirmé le député caquiste Simon Jolin-Barrette. 

«Je suis content de voir que M. Leitão réagit ainsi. Un gouvernement démocratique responsable devrait agir comme ça [en étant] à l'écoute des acteurs, des gens, des arguments de la raison», a dit pour sa part M. Khadir, qui considère que cette initiative du gouvernement est une réponse forte au projet de loi qu'il a déposé au début novembre.