Le gouvernement Couillard retire à la Commission des droits de la personne le mandat de piloter la consultation sur la discrimination systémique et le racisme, qui est rebaptisée et «recadrée». La crise impliquant la présidente Tamara Thermitus l'a poussé à prendre cette décision.

Québec prend ainsi le plein contrôle de la consultation. Il tiendra en décembre un «Forum la valorisation de la diversité et la lutte contre la discrimination». Exit les expressions «discrimination systémique» et «racisme». En novembre, il y aura une tournée régionale des ministres David Heurtel (Immigration) et François Blais (Emploi et Solidarité sociale) afin d'entendre les entreprises et groupes à vocation économique sur la pénurie de main d'oeuvre.

«On doit recadrer (la consultation) sur l'enjeu numéro un», celui de l'emploi, a expliqué le ministre David Heurtel en conférence de presse, mercredi. Il a rappelé le taux de chômage élevé chez les immigrants.

Québec maintient les consultations locales confiées à 31 organismes à but non lucratif afin de «trouver des solutions concrètes pour lutter contre la discrimination». Il faut être capable d'avoir une «conversation» sur le sujet, «sobrement et dignement», «sans tomber dans l'inquisition et la thérapie de groupe», a plaidé M. Heurtel. Il n'a pas prononcé l'expression «racisme systémique», allant jusqu'à refuser de dire si ce phénomène existe ou non. 

L'aile jeunesse de son parti demandait pourtant il y a plus d'un an au gouvernement de tenir une consultation sur ce thème bien précis, et Québec n'hésitait pas à employer l'expression alors.

Le PQ et la CAQ réclamaient depuis plusieurs semaines l'annulation de la consultation sur le racisme qu'ils qualifiaient de «cirque» et de «procès des Québécois». Mercredi, la députée péquiste et porte-parole en matière d'immigration, Carole Poirier, s'est félicitée du «recul» du ministre Heurtel. Elle préfèrerait toutefois que les consultations se tiennent en commission parlementaire.

Selon David Heurtel, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) «n'était pas le véhicule approprié à ce stade-ci pour atteindre l'objectif de faire un exercice très concret». «Ce n'est pas une réaction à ce qui se passe à la Commission», a-t-il ajouté. Or une source libérale a confirmé que la crise interne à la Commission explique en bonne partie le retrait du mandat.

Tamara Thermitus fait l'objet d'une enquête du Protecteur du citoyen à la suite du dépôt de trois plaintes pour abus d'autorité, mauvaise gestion et attitude irrespectueuse envers le personnel. Mardi, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a décidé d'envoyer un vérificateur externe à la Commission pour faire la lumière sur la crise. Dans un reportage de La Presse, trois commissaires lançaient un «appel à l'aide» et critiquaient la gestion de Mme Thermitus, nommée par l'Assemblée nationale en février dernier. Le Parti québécois (PQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) lui demandent de se retirer de ses fonctions le temps des enquêtes.

Mercredi, la députée péquiste Véronique Hivon a réitéré cette demande, ajoutant que l'on assiste à «un désaveu supplémentaire de la présidence de la Commission des droits de la personne».

À la commission des institutions qui étudie le projet de loi 147, mercredi après-midi, le leader parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, a demandé à Me Claire Bernard du CDPDJ pourquoi Mme Thermitus n'était pas présente, alors que l'organisme présentait un mémoire aux parlementaires. «Elle n'était pas disponible», a-t-on simplement répondu.  

Le gouvernement Couillard avait demandé en juillet à la Commission des droits de la personne de mener la consultation, en collaboration avec le ministère de l'Immigration. Elle devait entre autres tenir un forum public en décembre, à Montréal. Elle était chargée de soumettre un rapport à l'hiver 2018.