La prise de contrôle de la CSeries par Airbus était un «geste nécessaire» pour préserver les emplois de Bombardier au Québec et pour composer avec la «nouvelle réalité américaine», a affirmé Philippe Couillard, mardi.

Le premier ministre québécois s'est montré satisfait de la transaction, par laquelle le géant européen acquiert 50,01% du programme développé par Bombardier sans verser un sou. Selon lui, le fabricant d'avions québécois n'avait tout simplement pas les reins assez solides pour assurer le décollage de son nouvel appareil.

«On aurait rêvé que Bombardier devienne aussi gros que Boeing et Airbus, a reconnu M. Couillard en point de presse. Mais en pratique, ça ne pouvait pas se produire. C'était impossible que ça se produise. Et avant tout, c'était aux travailleurs qu'il fallait penser et au secteur aéronautique de Montréal.»

Le gouvernement québécois a allongé 1,3 milliard de dollars pour acquérir une participation dans le programme de la CSeries. Les chances de récupérer cet investissement «sont beaucoup meilleures aujourd'hui qu'il y a quelques jours», a dit le premier ministre.

Bombardier reste actionnaire de la CSeries à hauteur de 31% et Investissement Québec conserve une participation de 19%. Partenaire majoritaire, Airbus dispose d'un imposant réseau de vente et de soutien à la clientèle. M. Couillard croit que l'arrivée de ce troisième joueur permettra de relancer les ventes, la dernière commande majeure datant de juin 2016. 

«On aurait pu ajouter un milliard, deux milliards dans la Série C, ça n'aurait rien changé, a indiqué M. Couillard. Il fallait absolument un partenaire stratégique, on le disait depuis le début, depuis notre premier investissement. On a trouvé ce partenaire.»

Le siège de la CSeries restera au Québec. Une deuxième ligne d'assemblage sera établie en Alabama, où Airbus assemble déjà sa famille A320. Le déplacement de la production dans cet État vise à contourner les droits de 220% et la taxe antidumping de 80% imposés par le Département d'État américain.

La délocalisation partielle de la production de la CSeries n'a pas déçu M. Couillard outre mesure.

«Avant tout, c'est de protéger les emplois, a expliqué le premier ministre. Le contrat de Delta, il faut absolument le préserver, et d'autres contrats potentiels également. C'est la nouvelle réalité américaine.»

L'opposition fulmine

Les trois partis d'opposition ont été unanimes à condamner les actions menées par le gouvernement Couillard dans sa gestion de l'investissement dans la CSeries.

«Bombardier, qui a créé de loin le meilleur avion dans sa catégorie, a été poussé à donner la maison pour sauver les meubles. (...) Le fruit de plus de 10 ans de travail du génie québécois, 7 milliards d'investissements, a été donné à un concurrent étranger qui est Airbus», a martelé le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée.

Selon lui, si Québec avait investi dans Bombardier plutôt que directement dans la CSeries, le rendement qu'il aurait obtenu serait aujourd'hui de 65%.

«On ne dit pas qu'une alliance avec Airbus n'était pas souhaitable à ce moment-ci, mais ce qu'on doit constater, c'est que lorsqu'on donne la propriété de son plus beau produit à un concurrent, on était dans une situation de faiblesse extrême», déplore le chef péquiste.

Du côté de la Coalition Avenir Québec (CAQ), François Legault demande désormais à la vérificatrice générale du Québec d'enquêter sur la valeur marchande actuelle de l'investissement du gouvernement dans la CSeries, qui avait à l'époque injecté 1,3 milliard contre 49,5% de cette division. 

«Quand on est rendu qu'on donne la moitié de l'entreprise pour un investissement nul, c'est parce qu'on est mal pris et le premier ministre du Québec devrait être gêné», dit le chef caquiste, rappelant que la valeur de l'investissement du Québec représentait désormais que 19% la CSeries.

Du côté de Québec solidaire, le député de Mercier, Amir Khadir, considère que le présent dénouement n'est qu'une bouée de sauvetage envoyé à une entreprise qui était prise à la gorge.

«Regardez la situation désastreuse dans laquelle les décisions des dirigeants incompétents de Bombardier et la décision mal avisée du gouvernement Couillard d'investir dans la CSeries plutôt que dans la compagnie dans son ensemble [nous ont mis]. On était pris à la gorge et là on nous offre une bouée de sauvetage», dit-il.