Alors que la Charte de la langue française fêtera samedi ses 40 ans, le gouvernement de Philippe Couillard juge que cette pièce maîtresse de la protection du français au Québec est « en santé » et qu'il n'est pas nécessaire de la rouvrir afin de la moderniser.

« La Charte est en santé et elle est là pour y rester. [...] Pour nous, il est très clair que la loi 101 est là pour être appliquée [et] il y a d'autres mesures que nous mettons en place pour valoriser la présence du français au Québec », a défendu vendredi matin le ministre de la Culture et responsable de la Protection et de la Promotion de la langue française, Luc Fortin, en marge d'une cérémonie à la bibliothèque de l'Assemblée nationale, à Québec. 

Selon le ministre, qui était accompagné pour l'occasion de trois invités qui ont travaillé de près à l'élaboration de la loi sous le gouvernement de René Lévesque, il n'y a pas de consensus au Québec pour y ajouter de nouvelles mesures. 

« On doit davantage miser sur une approche basée sur la promotion du français pour faire en sorte que les jeunes se l'approprient. On veut affirmer haut et fort que le français est la langue officielle du Québec, sans ajouter davantage de mesures coercitives », a dit M. Fortin. 

« Je veux être clair là-dessus: nous n'allons pas rouvrir la Charte de la langue française. Nous allons continuer de nous assurer de son application et le rayonnement du français va beaucoup se faire par une approche qui mise sur la valorisation. Et je peux vous dire que si nous devions rouvrir la Charte, il n'y a pas de consensus au Québec sur les orientations que nous devrions prendre. [...] Présentement, il y a un équilibre qui est atteint en matière linguistique et on se doit de le préserver », a-t-il ajouté. 

Plus tôt ce mois-ci au congrès de la commission jeunesse du Parti libéral du Québec (PLQ), à Sherbrooke, des militants de Montréal avaient proposé un projet pilote pour donner aux francophones l'accès à l'école primaire anglaise, ce qui constituait une brèche dans la loi 101. 

La motion a finalement été battue à forte majorité par les jeunes libéraux, une décision que le ministre Fortin avait à ce moment-là qualifiée de cohérente avec les orientations du gouvernement.

Un gouvernement « sourd et aveugle », dit Lisée 

Le chef du Parti québécois (PQ), Jean-François Lisée, est tranchant envers le gouvernement Couillard quant aux efforts octroyés à la protection du français. 

« Ils sont complètement sourds et aveugles aux données de statistiques Canada [...] qui confirment l'affaiblissement du français langue première dans la région métropolitaine de façon significative. Pour eux, qu'il y ait juste un Montréalais sur deux qui vit en français et qui le transmet à ses enfants, ils sont satisfaits de ça », a déploré le chef de l'opposition officielle en entrevue avec La Presse

Selon M. Lisée, la vitalité du français au Québec serait en déclin ces dernières années en raison de l'augmentation de dizaines de milliers d'immigrants acceptés par année dont près de la moitié, affirme-t-il, « n'avaient aucune connaissance du français au point d'entrée. » 

« Nous, on adopterait une mesure qui existe en Angleterre, en Hollande et ailleurs, c'est-à-dire qu'on réclamerait que 100 % des futurs immigrants aient une connaissance du français avant de venir au Québec, en plus des compétences requises pour répondre aux besoins du marché du travail. [...] Ça, ça renverserait la tendance et ça serait une mesure structurante importante », a-t-il dit, ajoutant que son parti voudrait aussi imposer la francisation aux entreprises de 25 employés et plus et ajouter l'obligation pour les étudiants des cégeps et universités anglophones de réussir un test de français afin d'obtenir leur diplôme.

Du côté de Québec solidaire (QS), le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois estime « qu'il faut moderniser la loi 101 » en l'appliquant aux entreprises de dix employés et plus, alors qu'il s'installe au Québec « une dangereuse tendance où il devient de plus en plus difficile de travailler en français ». 

« C'est Gérald Godin qui disait que les langues vivent et meurent au travail, parce qu'on y passe la majorité de notre vie. Et pour nous, c'est là que les plus grands reculs se sont effectués », a-t-il dit à La Presse en marge de son caucus qui se déroule en Estrie.