L'opposition exploite le thème des «étrangers» dans l'espoir de faire des gains politiques, en particulier le chef caquiste François Legault lorsqu'il présente le Québec comme une «passoire» et suggère de stopper l'afflux de demandeurs d'asile, accuse Philippe Couillard. Sa proposition revient à demander la construction d'un mur, selon le premier ministre.

«Si on va au bout de sa logique, quand il parle de la frontière qui est une passoire, ce qui d'ailleurs est faux, on va faire un mur, n'est-ce pas M. Legault ? Et on va le faire payer par Haïti, pourquoi pas ! Un moment donné, il faut rester calme et exercer son sens des responsabilités», a lancé M. Couillard lors d'une mêlée de presse samedi, en marge du congrès des jeunes libéraux à Sherbrooke.

Selon lui, «il faut rétablir les choses : personne ne peut empêcher qui que ce soit de traverser la frontière».

«Il faut dire aux gens qu'on est une terre où la règle de droit s'applique, avec la compassion, et les deux s'appliquent en même temps, a ajouté M. Couillard. Alors soyons raisonnables et équilibrés dans nos propos. C'est ce que les gens attendent des leaders politiques.»

Il dénonce le « discours changeant » de M. Legault. En février, a-t-il rappelé, le chef caquiste soutenait qu'il fallait accueillir à bras ouverts ceux qui font une demande d'asile en raison des décisions de l'administration Trump. «Qu'est-ce que ça nous dit? Que c'est un parti politique sans orientations et valeurs profondes, qui sent l'air du temps, qui sent l'opinion publique, ou du moins ce qu'il perçoit de l'opinion publique, et ajuste ses convictions selon l'air du temps. On ne peut faire confiance à ce genre de politique là.»

À court de sujets pour attaquer le gouvernement selon lui, M. Legault, mais aussi le Parti québécois ont décidé de «parler des étrangers». « C'est toujours un bon thème politiquement apparemment. Nous, on n'est pas comme ça. » Le chef péquiste Jean-François Lisée a proposé cette semaine d'obliger tous les candidats à l'immigration à connaître le français avant leur arrivée au Québec.

Comme il l'a fait dans un message publié sur Facebook vendredi soir - chose qu'il entend faire «plus souvent» -, Philippe Couillard a indiqué qu'il n'existe aucune garantie que les demandes d'asile seront acceptées, « compte tenu des règles strictes qui les régissent». 

«Il est malheureux qu'on ait fait croire à beaucoup de ces personnes que l'acceptation comme réfugié au Canada et au Québec, c'est un fait accompli, qu'il n'y avait aucun problème. C'est une démarche très exigeante, très difficile, et c'est loin d'être garantie de succès », a-t-il affirmé.

Qui a fait croire une telle chose ? Il ne l'a pas dit. Il n'a pas voulu s'en prendre au maire de Montréal Denis Coderre ou encore au premier ministre du Canada Justin Trudeau. Le premier a présenté Montréal comme un «sanctuaire» et le second a écrit sur Twitter en janvier : «À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera...».

« Si par sanctuaire, on entend dire un endroit où la compassion est à l'ordre du jour et les gens l'expriment, ça va. Mais si on veut dire par là un endroit où la loi ne s'applique pas, ça ne va pas », a dit M. Couillard.

Le premier ministre a ajouté qu'« il faut présenter aux gens un portrait réel de la situation, notamment aux personnes qui sont encore aux États-Unis et pourraient être tentées de faire la même expérience ». Ottawa devrait-il envoyer un message clair à ce sujet ? «Ça va se faire et ça se fait déjà.» Il entend lui-même faire plus d'interventions pour donner l'heure juste.

Les demandeurs d'asile d'origine haïtienne affluent à la frontière québécoise depuis plusieurs semaines, craignant que l'administration Trump ne mette fin à un statut temporaire dont ils bénéficient depuis 2010.

«Historiquement, les demandes d'asile ou de réfugiés de la communauté haïtienne ont été approuvées à peu près à 50%. Est-ce que ce sera la même chose là ? On verra», a dit M. Couillard. Il demande au gouvernement fédéral d'accélérer le traitement des demandes et d'ouvrir des centres d'accueil. Il faut aussi amener rapidement les demandeurs à la province de leur choix - 30% d'entre eux voudraient s'installer dans une autre province que le Québec, selon M. Couillard.

De son côté, le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, a affirmé que la facture liée à l'accueil de ces demandeurs d'asile ne le «préoccupe pas».

La CAQ réagit

Le directeur des relations avec les médias de la CAQ, Guillaume Simard-Leduc, a pour sa part réagi en affirmant que «Philippe Couillard joue encore une fois au donneur de leçons». «Les libéraux doivent cesser de mépriser ceux qui considèrent que le gouvernement devrait dissuader les migrants de passer illégalement la frontière» a-t-il par la suite renchéri.