Le premier ministre Philippe Couillard ne s'attend pas à ce qu'Ottawa arrive nécessairement avec un programme de garanties de prêts aux scieries affectées par les droits compensatoires imposés sur les exportations de bois d'oeuvre aux États-Unis.

Dans le cadre du coup d'envoi d'une campagne visant à mettre en valeur l'industrie forestière, lundi, à Montréal, M. Couillard a affirmé qu'il était important que l'aide du gouvernement Trudeau soit «complémentaire» aux mesures annoncées à la fin avril par Québec.

Si une aide financière fédérale serait la bienvenue, le premier ministre a affirmé qu'il ne fallait pas «nécessairement» doubler le montant de 300 millions que Québec est prêt à débourser pour des garanties de prêts.

«S'ils veulent le faire, qu'ils le fassent, a répondu M. Couillard lorsque questionné sur une éventuelle aide financière fédérale. Il ne s'agit pas nécessairement de doubler ce qu'il y a en place. Soyons le plus large possible dans nos interventions et ne faisons pas que nous défendre contre des tarifs.»

À son avis, il est important que le gouvernement Trudeau aide les joueurs de l'industrie forestière par l'entremise de coups de pouce visant à développer de nouveaux produits et marchés.

Ainsi, la mission commerciale effectuée en Chine le mois dernier par le ministre fédéral du Commerce international, François-Philippe Champagne, était le «genre de chose dont on a besoin», a affirmé le premier ministre.

«Plus nous allons développer de nouveaux produits et de nouveaux marchés, plus nous allons devenir indépendants des fluctuations politiques aux États-Unis», a analysé M. Couillard.

À l'exception des cinq géants du secteur - dont Produits forestiers Résolu - l'administration Trump a imposé un droit compensatoire rétroactif de 19,88% pour les producteurs québécois et ontariens. Une décision sur les droits antidumping est également attendue le 23 juin de la part des autorités américaines.

Le cinquième conflit sur le bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis a par ailleurs déjà des répercussions chez Résolu, où 1282 travailleurs se retrouvent en congé forcé puisque l'entreprise a réduit des quarts de travail dans sept scieries en plus de reporter le début de certaines activités forestières.

Présent à l'événement, le président et chef de la direction de Résolu, Richard Garneau, n'a pas voulu commenter dans le détail sa décision, affirmant que le marché du bois d'oeuvre fluctuait et que cela démontrait que l'incertitude se traduisait par «certains problèmes» pour les scieries.

Il a également refusé d'ouvrir son jeu quant à ses attentes à l'endroit du gouvernement Trudeau.

«Je ne veux pas spéculer, a dit M. Garneau. J'attends la possibilité d'avoir accès au marché américain. Ottawa doit trouver la façon de faire reconnaître notre régime forestier.»

Jean-Pierre Boivin, préfère de la MRC Maria-Chapdelaine, au Lac-Saint-Jean, a toutefois été plus catégorique, disant s'attendre à une aide fédérale.

«Que ce soit par des garanties de prêts ou d'autres programmes, nous avons besoin d'un coup de main, a-t-il affirmé. Les marchés comme la Chine, c'est difficilement accessible pour le Québec. On est aussi ouverts aux nouveaux produits, mais cela va prendre du temps avant d'être capable de les commercialiser.»

Finalement, en ce qui a trait à la campagne, elle émane du «Collectif pour une forêt durable» - qui regroupe une quarantaine d'intervenants des milieux syndicaux et patronaux - et vise à mettre en valeur l'ensemble de l'industrie forestière québécoise, qui représente 60 000 emplois directs.

Dotée d'un budget de 4,2 millions, la campagne de trois ans, intitulée «Une forêt de possibilités», prévoit un bouquet de mesures visant à illustrer le potentiel forestier québécois.

Le gouvernement Couillard y injecte 2,7 millions , alors que le Conseil de l'industrie forestière du Québec allonge 1,35 million.

Pour le moment, le Jour de la terre est le seul représentant du milieu environnemental à faire partie du collectif, mais la porte n'est pas fermée pour des groupes comme Greenpeace ou Équiterre, a indiqué M. Couillard, tout en y allant d'un avertissement.

«Parfois, je trouve que certaines interventions sur la place publique semblent sous-estimer l'impact social (de la forêt) dans nos communautés», a-t-il expliqué.

Pour M Couillard, le développement durable de la forêt se décline sur trois axes, soit l'environnement, l'économie ainsi que les conséquences sociales.